Les origines d’un boycott

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Jean-Martin Veilleux
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Depuis plusieurs décennies, il existe au Moyen-Orient un conflit entre Israël et les Palestiniens. C’est en 1947 que l’État juif est créé par l’ONU afin de donner aux juifs ayant vécu la persécution nazie un refuge en Palestine. Ce retour en Terre sainte représente aussi l’accomplissement d’un mouvement politique dit « sioniste », c’est-à-dire cherchant le retour d’un antique et biblique État juif au Moyen-Orient.

Le problème qui en découle est simple : l’endroit assigné pour instaurer cet État était déjà habité. Israël, tel qu’il se présente aujourd’hui est donc le résultat de l’expulsion de 725 000 Palestiniens de leur territoire, ainsi que de l’instauration de colonies juives par la conquête et l’occupation armée des territoires palestiniens par l’armée israélienne.

Aujourd’hui, on compte 20% d’Arabes en Israël, alors que la majorité des Palestiniens ne s’étant pas exilés se sont réfugiés soit dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie. Ces deux territoires sont séparés : le premier est situé au bord de l’Égypte, le long de la mer Méditerranée, et le deuxième est formé d’une mosaïque de territoires à moitié colonisés et emmurés, à l’est d’Israël.

Depuis 1948, plusieurs résolutions de l’ONU ont condamné Israël, qualifiant ses politiques de coloniales, discriminatoires et illégales, mais elles n’ont jamais été concrétisées par la suite. De nombreux rapports et témoignages déplorent toujours l’état des choses.

Après un voyage en Palestine, le récipiendaire du prix Nobel de la paix de 1984, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, disait comprendre le désir de sécurité des Israéliens. Il ajoutait cependant : « Mais qu’en est-il des Palestiniens qui ont perdu leur terre et leurs maisons ? Israël ne jouira jamais d’une vraie sécurité en opprimant un autre peuple. »

Il est aussi de plus en plus fréquent d’utiliser le mot « apartheid » pour parler de la situation subie par les Arabes de Palestine et d’Israël. Ce mot fait référence à la ségrégation raciale que vivaient les Noirs en Afrique du Sud. L’ancien président américain Jimmy Carter aurait même dit à ce sujet que « l’apartheid israélien est pire que l’apartheid sud-africain de l’époque. »

Un appel au boycott

En 2005, des groupes civils palestiniens poussèrent l’analogie plus loin en lançant un appel au boycott économique, politique et culturel de l’apartheid israélien, s’inspirant ainsi du boycott international qui mit fin à l’apartheid sud-africain.

La campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) fut lancée symboliquement un an après la condamnation, par la Cour internationale de Justice de l’ONU, du mur de 8m de haut et de 650 km de long construit par Israël en Cisjordanie pour séparer les installations coloniales juives et les communautés palestiniennes. Cette campagne prévoit maintenir le boycott jusqu’à ce qu’Israël se soumette au droit international, mette fin à l’occupation militaire des territoires palestiniens de Cisjordanie et reconnaisse le droit à l’autodétermination de ce peuple.

Cet appel au boycott a depuis été endossé par plusieurs centaines d’organisations du monde arabe, de l’Europe, des Amériques, de l’Afrique et de l’Asie, formant ainsi une communauté internationale de solidarité qui semble toujours grandir.

Puisque le boycott économique vise aussi les multinationales qui participent économiquement à l’occupation militaire et en profitent, L’Oréal est l’une des cibles parmi d’autres. Sa section israélienne ne respecterait pas le droit international en étant située dans une colonie juive en Cisjordanie. Elle aurait également versé plus de 100 000$ à un institut de recherche militaire privé proche de l’armée israélienne.

Des artistes tels que Snoop Dogg, Roger Waters, Carlos Santana, U2 et Elvis Costello ont aussi participé à la campagne en annulant leurs spectacles en Israël.

Au Québec, la campagne de boycott vise particulièrement les compagnies Indigo/Chapters, les produits Ahava de La Baie et Le Marcheur, situé sur la rue St-Denis à Montréal. Plusieurs organisations québécoises ont aussi endossé la campagne BDS, dont la Fédération des femmes du Québec, la Ligue des droits et libertés, le Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN ainsi que l’ASSÉ.

De leur côté, les opposants à la campagne la considèrent discriminatoire. Selon eux, des pays arabes voisins d’Israël sont aussi coupables d’agir à l’encontre des droits de l’homme. La Chine brime aussi les droits de sa population, alors pourquoi appeler à boycotter Israël en particulier?

Des plaintes pour incitation à la haine raciale ont même été déposées en France contre des personnes soutenant la campagne. Une de ces plaintes a particulièrement soulevé le débat en visant Stephan Hessel, co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU et ancien membre d’origine juive de la Résistance française.

À ce sujet, le directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, en France, est d’avis que de « brandir l’accusation d’antisémitisme contre ceux qui critiquent le gouvernement israélien est une méthode ancienne et répandue. Tous les sondages le confirment, les formes les plus vives de racisme concernent aujourd’hui les Musulmans. »

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