Oléoduc versus train, un faux débat

Date : 22 octobre 2013
| Chroniqueur.es : Bertrand Schepper
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Cet article est tiré du blogue de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques.

Depuis la tragédie de Lac-Mégantic, une question revient constamment en matière de transport de pétrole. Vaut-il mieux transporter du pétrole par train ou par oléoduc ? En fait, il s’agit d’un faux débat.

Tous les oléoducs prévus et annoncés par l’industrie pétrolière canadienne ne suffiraient pas à écouler les capacités de production de pétrole des sables bitumineux. Les estimations de l’Institut canadien de recherche énergétique (CERI) indiquent que la production de pétrole provenant des sables bitumineux excédera en 2013 2,5 millions de barils par jour. Selon les projections liées aux annonces de l’industrie, la production issue des sables bitumineux atteindra autour de 9,2 millions de barils par jour.

Pétrole

En admettant que les projets d’oléoduc sur la table se réalisent, la capacité de transport vers l’est ne sera que de 1,4 million de barils par jour. Le projet d’inversion «Ligne 9 B» d’ Enbridge représente une capacité de 300 000 barils par jour tandis que le projet «Énergie Est» de Transcanada aura une capacité maximale de 1,1 million barils par jour. En considérant que la Colombie-Britannique a refusé le projet d’oléoduc de Northern Gateway qui aurait permis à l’industrie pétrolière d’avoir accès à l’océan Pacifique et que le président Obama ne donne pas son accord au projet Keystone, le marché du transport sera rapidement saturé. C’est pourquoi les compagnies pétrolières utiliseront tous les moyens de transport disponibles pour déplacer le pétrole. Ainsi, même si l’ensemble des projets d’oléoducs était accepté, les trains remplis de pétrole continueraient d’être présents sur le territoire. En effet, si tous ces projets se réalisent, la capacité de transport demeurera insuffisante.

Le débat portant sur quel est le moyen de transport le plus dangereux est donc puéril, puisque peu importe la situation, le marché tente déjà d’augmenter sa production et de l’écouler par tous les moyens possibles. Rappelons qu’Enbridge a un bilan peu reluisant quant à la sécurité de son oléoduc alors qu’elle compte en moyenne plus de 70 déversements annuellement sur son réseau depuis 10 ans. De plus, l’entreprise est responsable du plus important déversement terrestre en Amérique sur la rivière Kalamazoo. Ce dernier a coûté plus d’un milliard de dollars et continue à faire des ravages.

Permettre l’augmentation d’oléoducs sur le territoire ne fait qu’augmenter le risque de déversements sans minimiser les risques de sécurité. Les véritables enjeux sont liés non pas au moyen de transport, mais à ce qui est transporté. Pour assurer une véritable sécurité, il faut diminuer la consommation et le transport du pétrole.

Alors que Pauline Marois a annoncé sa volonté de prioriser les transports électriques tout en intégrant une nouvelle stratégie énergétique au Québec, il semble évident que les Québécoises et les Québécois sont à l’heure des choix : aller de l’avant en effectuant une transition à moyen terme vers une diminution de la dépendance au pétrole ou au contraire augmenter cette dépendance.

Bertrand Schepper est chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques.

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