POUR UNE GESTION SAINE ET DURABLE DE LA CRISE

Date : 11 novembre 2020
| Chroniqueur.es : Marie-Anne O’Reily
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Depuis mars dernier, toute critique possible de la gestion de la pandémie a été balayée de la main. Tout point de vue divergent a été réprimé. Ce qui est non seulement contraire au fonctionnement démocratique, mais aussi extrêmement préoccupant pour la liberté de presse et la recherche scientifique. Ce refus d’ouverture a non seulement empêché des échanges constructifs et des partages d’expertises diverses qui auraient pu contribuer à amener de nouvelles perspectives dans la gestion de la crise, mais a également interdit les débats autour de questions sociales fondamentales, qui pourtant mériteraient bien d’être soulevées en cette période de bouleversements.

Cette absence de discussion a polarisé les discours et a laissé place non pas à un espace de débat éclairé, mais plutôt à un mouvement d’extrême droite mené par des hurluberlus aux théories du complot plus abracadabrantes les unes que les autres. Une voix que l’on a bien voulu entendre parce qu’elle était tellement facile à discréditer qu’elle justifiait de ne pas écouter ceux qui étaient en désaccord avec la gestion de la crise. En résulte un climat social extrêmement tendu, où les insultes remplacent les arguments, et ce, peu importe de quel côté on se trouve. Pourtant, les citoyens ont le droit de se poser des questions et d’obtenir des réponses plus étoffées que de simples chiffres.

Est-il encore possible de remettre en question certaines décisions de la Santé publique sans se voir automatiquement relégué au rang des complotistes ? De se questionner sur la manière dont la société se réorganise depuis le printemps ? Depuis le début de la pandémie, la gestion de la crise s’est majoritairement exprimée par un régime de peur et de communications anxiogènes, et ce, un peu partout sur la planète. Non, nous ne sommes pas en guerre, nous vivons une crise sanitaire, qui certes exige des mesures et des précautions, mais ne justifie pas pour autant d’instaurer un état d’urgence.

Dans une lettre ouverte publiée le 10 septembre, 35 scientifiques, universitaires et professionnels de la santé en France ont dénoncé cette façon de gouverner par la peur, avec des mesures souvent disproportionnées, imposées sous la menace policière2. Le 28 septembre, ils étaient 300 à estimer qu’il était urgent de changer de stratégie sanitaire, actuellement en pleine dérive autoritariste. « Nous pensons(…) que la peur et l’aveuglement gouvernent la réflexion, qu’ils conduisent à des interprétations erronées des données statistiques et à des décisions administratives disproportionnées, souvent inutiles voire contreproductives ».

Bien que le contexte soit légèrement différent, cette réflexion demeure très pertinente de ce côté-ci de l’Atlantique. Et si le relâchement de la population, tant décrié par François Legault au moment de la rentrée scolaire, ne provenait pas de la mauvaise foi des gens, mais plutôt davantage du fait que les mesures, outre qu’elles soient changeantes et parfois incohérentes, sont extrêmement difficiles à respecter à long terme?

Car toute cette gestion de la pandémie se fait dans une optique où l’on sera bientôt débarrassé du virus. On attend le vaccin comme un sauveur. Mais il est naïf de penser que ce nouveau virus disparaîtra du jour au lendemain, aussi vite qu’il est entré dans nos vies. Après cette deuxième vague, il est fort à parier que d’autres suivront. Et si ce n’est pas le SARS-CoV-2, ce sera un autre introduit un peu de la même manière. Cette pandémie ne sera probablement pas la dernière. Ainsi, il faut penser une gestion sanitaire à long terme, une gestion viable où l’humain, et non les chiffres statistiques, se retrouve au coeur des décisions.

Ce virus existe bel et bien. Je ne remets pas en question que nous traversons actuellement une pandémie. Oui, il faut être vigilant, ce virus est nouveau et amène avec lui son lot d’inconnus. Repenser la gestion de la crise ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre de mesures. Cependant, il serait bien temps de se demander : échapper aux virus, est-ce le projet de société que nous souhaitons ?

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