RICHELIEU (2/2)

Date : 14 septembre 2023
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Le film coup de poing est encore en salle, notamment à La Maison du Cinéma et un peu partout au Québec pour une troisième semaine et sans doute plus. Retrouvez à travers ce deuxième article, consacré au premier long-métrage de Pier-Philippe Chevigny, une entrevue exclusive avec le scénariste-réalisateur, la sublime et bouleversante Ariane Castellanos, ainsi que la productrice Geneviève Gosselin G.

Souley Keïta : Premières images, première question. Dans le cinéma, il n’y a pas de hasard. Arrivés de nuit, comme caché de tous. Comme si dans la légalité, il y avait l’illégalité d’être un immigré qui aide le Québec. En quoi était-ce important de commencer avec l’idée que même dans la nuit, « et même si on fait cela vite » la caméra cinématographique vous voit?

Pier-Philippe Chevigny : Cela sous-entend qu’ils ont pris l’avion, qu’ils ont voyagé toute la journée puis ils arrivent tard le soir. Ce qui selon mes recherches est souvent le cas parce que les vols Guatemala-Montréal arrivent tout le temps très tard le soir. Ces travailleurs sont certainement épuisés. On te garroche un contrat que tu dois signer rapidement, puis tu vas te coucher sans avoir aucune idée dans ce que tu t’embarques. Concernant la scène de nuit, cela n’était pas nécessairement prévu au tournage. Initialement parce que c’était un défi de direction photo incroyable de tourner cela de nuit. Idéalement, on avait l’idée de le faire au coucher du soleil, car la lumière est belle, pas trop forte, puis finalement on n’avait pas la scène voulue donc on a continué à tourner jusqu’à tant que l’on puisse avoir la meilleure prise, la dernière sur les 12 plans-séquences effectués. C’est à dire au plus tard qu’on pouvait sur le lieu de tournage.

Ariane Castellanos : j’avais totalement oublié ce détail de ce début de scène qui était censé être tourné de jour. J’avais tellement oublié que pour moi le début du film durant la nuit était comme une évidence dans ma tête. Pourquoi le soir? Peut-être parce que les vols Guatemala-Montréal arrivent le soir, peut-être que cela donne plus de crédibilité, mais cela me paraît naturel de commencer le film ainsi. Et puis, il y a l’épuisement de mon personnage qui est déjà à bout avant de commencer cette job, un peu à bout de sa vie avec son passé tumultueux donc ça fonctionnait pour moi toute cette ambiance.

Geneviève Gosselin G : En fait, c’est juste pour ajouter peut-être un petit truc.  Le fait que ce soit de nuit moi j’aime bien parce qu’on sent que tout le monde est comme fatigué. Je pense que cela à une valeur d’ajouter un plus au récit effectivement, mais je crois que dans les discussions qu’on avait, il y avait une réflexion de ton côté (Pier-Philippe) sur le fait de plutôt faire une scène qui était miroir. C’est-à-dire une scène d’ouverture qui répond à la scène finale, l’arrivée en autobus et le départ en autobus avec le personnage de Manuel. Je pense que c’est cela qui a un peu orienté cette ouverture-là. Après, il y a forcément des contextes de production par rapport au lieu, etc. 

Pier-Philippe Chevigny : Pour ce jour de tournage, c’est juste que nous avions une énorme journée de figuration, puis on ne pouvait se permettre qu’une grosse journée comme celle-ci, en lien avec le budget. On s’est dit qu’on planifie au moins 2 jours et demi pour se permettre 10 à 12 prises pour cette scène d’ouverture.

Geneviève Gosselin G : Je pense que ce qui est à retenir, plus du côté de la production, c’est qu’il y a tout le temps des défis comme cela qui arrivent durant un tournage, puis que l’important c’est que l’équipe travaille ensemble pour finalement rendre cela à notre avantage. Tant mieux, si justement tu l’as interprété ainsi avec cette scène d’ouverture.

Souley Keïta : Tu inscris ton récit durant les années Harper, pourquoi? Est-ce qu’il y a la nécessité de se dire que les années passent et à force de se taire cela devient la norme?

Pier-Philippe Chevigny : J’ai décidé de figer le récit dans les années Harper tout simplement parce que j’effectuais ma recherche durant cette période. Je voyais qu’il y avait des trucs factuels qui changeaient déjà, puis je me suis dit que si je ne l’inscris pas dans une période, est-ce que je vais être amené à changer chaque fois mon scénario ou à le faire évoluer. Qui sait par le temps, est-ce que lorsque le film sortira en salle peut-être que la loi sur le programme des travailleurs aura changé ou n’existera plus. Il n’y a pas l’idée que ce soit nécessairement un film qui est brûlant d’actualité, mais plus que ce soit un instantané de ce que c’était au niveau des conditions au moment où j’ai effectué mes recherches. Il y a un certain nombre de choses qui ont changé par rapport à aujourd’hui, par exemple dans mon film on parle de la CSST, maintenant c’est rendu la CNESST et cela depuis 2014.  Puis, comme c’est vraiment important dans le dénouement du récit, j’ai décidé de garder les normes du travail et la CSST, qui sont 2 entités différentes, alors que maintenant la CNESST c’est une seule et même entité. C’est plus simple de figer le récit à cette époque, c’est la raison pour laquelle on mentionne l’ère Harper de manière subtile au début du récit. C’était également important lorsqu’on tournait durant la COVID, puis à ce moment-là les préoccupations étaient autres, car on se demandait si le monde allait être complètement différent dans un an pendant que le film sort. Finalement, on revient à une espèce de quotidien prépandémique, mais le fait de le figer dans le temps ça permet d’éviter la question que cela ne se passe pas comme ça aujourd’hui parce que la COVID a provoqué tel ou tel changement.  Je pense que c’est pire, parce qu’il y a plus de travailleurs depuis la COVID, donc plus de travailleurs dans de mauvaises conditions. Lorsque j’effectuais mes recherches, on recevait au Québec, 25000 à 30000 travailleurs d’Amérique Centrale, à ce jour, nous sommes rendus à 60000 travailleurs et cela va être de pis en pis, car il y a un déclin démographique, en plus d’une pénurie de main-d’œuvre. Les travailleurs temporaires ne viennent plus uniquement pour les champs, mais aussi pour travailler dans des restaurants-minute. Il y a eu une réforme en 2014 qui servait à donner un pouvoir d’enquête à Immigration Canada pour jouer le rôle de chien de garde, mais malheureusement ils sont débordés, ils ne peuvent pas intervenir pour les 60000 travailleurs, et finalement, cela ne donne pas grand-chose.

Souley Keïta : Il y a une phrase qui marque le récit dans un univers où l’on se tait sur ce mot, un mot qui s’accole aux situations que vivent les travailleurs temporaires latinos. Vu de l’extérieur, comme le mentionne Nicole (interprétée par Micheline Bernard), c’est de l’esclavage. Est-ce que tu vois une évolution pour améliorer les conditions? Est-ce qu’au vu des conditions, on impose une loi du silence au Québec? 

Pier-Philippe Chevigny : Ce n’est pas imposé subjectivement, les travailleurs craignent surtout de parler, car ils ont peur des représailles. Ils sont liés à leur employeur et dès qu’ils perdent leur emploi, leur visa de travail n’est plus valide, donc par la même occasion ils sont obligés de partir, de facto. En résumé, ils sont exportés. Ils apprennent rapidement à ne pas se plaindre, à ne pas dire non, à ne pas dénoncer, car étant non syndiqués, ils peuvent être renvoyés. Ce sont tous leurs efforts qui se retrouvent anéantis. Ils apprennent à se taire.

Ariane Castellanos : Il y a une barrière de langue qui fait en sorte que les choses sont parfois peu ou pas comprises. Ils ne vont pas être représentés non plus et un certain isolement se crée.

Geneviève Gosselin G : Ce n’est pas sur tous les sites que l’on peut avoir un traducteur et ce ne sont pas tous les travailleurs qui ont des notions en français.

Ariane Castellanos : Ou même en anglais. Lorsque tu arrives dans un nouveau pays, il y a des codes qui sont complètement différents et il faut s’adapter. Pour certains, l’espagnol n’est pas leur langue maternelle.

Souley Keïta : Dans ton langage cinématographique, il y a plusieurs éléments qui se dégagent, un 4 : 3 qui étouffe les travailleurs temporaires, qui étouffe par rapport à ces silences, je n’oublie pas ces plans serrés qui nous collent à la situation des personnages, mais également ce flou en arrière-plan qui nous démontre que le personnage est un lieu, un décor, peux-tu nous en parler un peu plus?  

Pier-Philippe Chevigny : Le ratio d’image 4:3 commence avec une réflexion esthétique, car je sais que cela va être le visage, la nuque d’Ariane pendant 90 minutes. C’est un format qui est beaucoup plus adapté pour faire un portrait, et qui se referme sur le visage. C’est plus plaisant de manière esthétique. Le deuxième aspect, c’est ce côté anxiogène, car cela étouffe le personnage dans le cadre, puis cela relègue davantage d’éléments hors-champ en te coupant de ce que tu vois pour te permettre de te focaliser uniquement sur le personnage principal et ce qu’il vit. Ce qui se passe autour est périphérique ou parfois ça rentre en arrière-plan, mais tu ne vas jamais avoir un plan très large où tu vois plusieurs personnages dans le champ ou le lieu, malgré quelques exceptions. L’idée était de coller le spectateur au point de vue de Ariane, puis on traverse cet espace-là, en lui accordant une hospitalité de l’écoute et du regard. Phrase que je vole à mon professeur pour toutes mes demandes de subventions. La caméra est là pour faire acte de présence pour le personnage, puis concentre entièrement son attention sur ce personnage. Pour le choix de l’arrière-plan flou, je voulais que l’on regarde Ariane et que tant qu’elle ne regardait pas quelque part, nous aussi nous ne regardions pas ailleurs. On reste avec Ariane. Lorsqu’elle regarde, on peut faire un panorama et voir ce qu’elle voit. On décode les émotions uniquement sur ces expressions sur son visage. Concernant ton interprétation, je l’accepte volontiers, mais je n’ai pas réfléchi à cela.

Ariane Castellanos : C’est intéressant parce qu’avec cette comparaison, on dirait que l’on vient poétiquement dire que les travailleurs saisonniers ne sont que des figurants et que l’on ne leur prête pas attention, qu’ils font partie des meubles. On conduit sur l’autoroute et on continue sans regarder.

Pier-Philippe Chevigny : En poursuivant cette logique et la critique que le film fait, il ne faut pas oublier que le point de fixation, c’est la traductrice et non les travailleurs.

Souley Keïta : Ton personnage de traductrice évolue pour sortir de sa zone de confort, tant distante, tant proche avec la condition des travailleurs temporaires. On a parfois l’impression que tu joues de ton pouvoir comme Stéphane (interprété par Marc-André Grondin) sur la destinée de ces travailleurs à l’image de cette phrase: « En claquant des doigts, je peux te renvoyer à la maison. » Quelle est ta vision de ton personnage?

Ariane Castellanos : Ce moment où j’évoque cette phrase m’a toujours paru bizarre, pas de façon péjorative, mais je sentais que mon personnage sortait de son comportement habituel. Ce qui est très intéressant pour un personnage comme ça. Je pense qu’au travers de cette scène, elle n’est pas consciente de ce qu’elle fait et que c’est par automatisme en observant les gens autour d’elle. Je ne pense pas que c’était si calculé que cela. À force de se faire attaquer par le personnage de Carlos, elle se retrouve dos au mur et elle se doit de montrer les dents. Cela démontre également à quel point elle accumule des expériences négatives, donc dès qu’on se montre offensif contre elle, elle réplique.

Pier-Philippe Chevigny : Ce que lui fait remarquer le personnage de Carlos, c’est qu’elle lance des menaces comme Stéphane et cela l’atteint, car elle fait partie du système et qu’il y a une prise de conscience à partir de ce moment-là. Le film amène ce personnage à avancer, à faire un pas vers les travailleurs, on le lui reproche. Elle fait un pas en arrière, on le lui reproche. On étire le moment où il y a une nécessité de basculer et de s’engager pleinement pour les travailleurs et cette scène à ce rôle précis.

Ariane Castellanos : Je pense que ses relations au travail, ainsi que sa relation amoureuse, ainsi que son retour chez sa mère, font une valse qui vacille tout le temps dans sa vie. Finalement, elle n’avance pas tant que cela. 

Souley Keïta : Plusieurs fois on t’attaque : « tu es rendue représentante syndicale », « tu es rendue avocate ». Est-ce que c’est aussi cela de se rendre compte des injustices, ne plus se cantonner à un simple rôle, mais à plusieurs rôles? 

Ariane Castellanos : Oui, en plus le fait d’être une femme également. Je pense que dès qu’elle essaye de lever la voix, on n’est pas habitué à cela et on essaye de la ridiculiser. Comme si cela n’avait aucun sens et qu’elle devrait rentrer dans sa petite boîte sans se poser de questions.

Geneviève Gosselin G : Pour poursuivre cette réflexion, cela nous ramène à la question de la responsabilité. Au début du film, on lui dit de se déresponsabiliser et d’effectuer juste son travail. On sait qu’à travers l’histoire de l’humanité, dès que l’on se déresponsabilise, on se concentre uniquement sur notre vie et c’est à partir de ce moment-là qu’il y a des abus, des tragédies. 

Ariane Castellanos : Elle refuse de ne pas s’investir, car on lui fera sans cesse des reproches. 

Souley Keïta : Le sujet est tabou, la thématique est difficile, comment on le reçoit comme productrice, qu’est-ce qui frappe dans les difficultés et les bienfaits d’un tel sujet?

Geneviève Gosselin G : Je ne peux pas dire que cela a été très difficile sur le sujet. On va plutôt dire que c’est difficile, de façon équitable, avec n’importe quel projet qui essaye d’être financé au Québec. Au sens où c’est compétitif et qu’il faut bien présenter le projet aux institutions. Après cela, Pier-Philippe sait très bien s’exprimer sur sa démarche et dans quelle direction il veut s’en aller. J’ai plus l’impression que pour moi, j’arrive pour graviter autour de lui et de pointer certaines incohérences, certaines faiblesses qui pouvaient être améliorées. 

Pier-Philippe Chevigny : Lorsqu’on a commencé à travailler là-dessus, Geneviève est impliquée depuis le début, on ne savait pas ce que cela donnerait. On ne savait pas que cela pourrait être un long-métrage. À ce moment-là dans nos vies, en 2013, je n’étais pas rendu à faire mon premier long-métrage. Geneviève ne savait pas qu’elle voulait faire de la production. Au fur et à mesure que le projet grandissait, Geneviève a été présente pour lire toutes les versions et tous les documents.

Geneviève Gosselin G : C’est sûr que ce qui aide, dans n’importe quelle collaboration, c’est lorsque tu fais des courts-métrages ensemble et que tu avances avec la personne, cela devient de plus en plus facile au niveau de la communication et de la direction que l’on prend. C’est drôle que tu en parles, mais lorsque nous étions à Karlovy Vary pour présenter le film, il y avait une question qui revenait souvent et qui était sur la difficulté de faire financer un film sur ce sujet au Canada, par difficulté, on évoque la censure.

Pier-Philippe Chevigny : Ils ont connu la censure de l’État et ne comprennent pas que le gouvernement du Canada a financé un film qui a une teneur politique.

Geneviève Gosselin G : On est chanceux au Canada de pouvoir faire un film qui dénonce la situation des travailleurs temporaires et en même temps qui est financé par le gouvernement fédéral, ainsi que le côté culturel de ce gouvernement. C’est une grande liberté. J’ai eu des craintes évidemment sur la réception, j’avais peur lors de la sortie en salle au Québec d’avoir des réactions qui pourraient suspecter que cela ne soit pas véridique, ou que cela puisse être un choc pour une partie du public. On a eu cette discussion sur l’incompréhension, notamment sur les Québécois qui dans le passé ont été exploités et qu’aujourd’hui nous faisons la même chose avec une autre frange de la population. Je suis agréablement surprise par la réception. Ils ne se sentent pas attaqués et c’est vraiment une belle surprise.

Pier-Philippe Chevigny : Les gens sont prêts à parler. Le film fait attention dans la manière dont Stéphane (Marc-André Grondin) est représenté. On comprend très bien qu’il subit une pression et que cela l’amène à poser ces gestes, mais il n’est pas nécessairement heureux de le faire et il n’en tire aucun plaisir. C’est le système, le problème et non l’individu.

Souley Keïta : La nécessité de rester authentique, on veut à l’image d’un docu-fiction mettre en avant la communauté et les travailleurs d’Amérique Centrale, j’aimerais vous entendre sur le processus.

Ariane Castellanos : Il y a l’approche de Pier-Philippe qui est tellement proche du documentaire et cela me tentait de faire partie de ce processus, d’une part, parce que cela allait être authentique, et que d’autre part, il va avoir le souci du détail en choisissant des Guatémaltèques et un peu de Mexicains. Il comprend la nécessité de faire cela en mettant de l’avant la communauté guatémaltèque.

Pier-Philippe Chevigny : On avait le défi de tourner durant la COVID. Le but était de prendre des acteurs guatémaltèques, mais vraiment des citoyens qui vivent là-bas. Au départ, on voulait avoir nos 6 premiers rôles, puis avec la COVID, on s’est focalisé sur 3. On a lancé un processus de casting là-bas. Sur les 3, il y en a un qui n’a jamais eu son passeport à temps, un autre qui a eu son visa le jour de son départ, donc il est arrivé en retard pour le tournage, on l’a recasté pour un autre rôle. Le seul qui a réussi à l’avoir c’est un Mexicain qui vit au Guatemala. Je me suis réadapté, car la poursuite de l’authenticité est importante, faire le film l’est également. Puis nous avons pris la communauté guatémaltèque qui vit au Québec.

Ariane Castellanos : C’est une qualité de pouvoir s’adapter sans s’entêter à suivre la ligne du scénario. Il y a des facettes de ces nouveaux personnages qui sont complexes. Pour la recherche des figurants, je me suis promené chez les coiffeurs, les barbiers, les cafés, les épiceries où j’étais susceptible de rencontrer des Guatémaltèques pour leur parler du projet et de son importance. La réponse a été très positive, car même si ce ne sont pas des acteurs, tout le monde avait envie de se voir représenter à l’écran. On la ressentit durant le tournage jusqu’à aujourd’hui avec la ferveur durant les projections.

Souley Keïta : On a besoin de ces travailleurs, pourtant à leur arrivée au Québec, tout joue en leur défaveur. Un loyer dispendieux, des frais médicaux colossaux, un isolement contraignant. Dans un retournement de situation, est-ce que l’on peut dire que l’on crache dans la main qui nous nourrit?

Pier-Philippe Chevigny : Indéniablement!

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