Sophie et ses hommes (Saison I, Épisode 4) : La tension

Date : 17 décembre 2020
| Chroniqueur.es : Sophie Parent
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EN PASSANT DEVANT LA FENÊTRE, JE REGARDE AVEC SATISFACTION MES PLANTES POSÉES SUR LE REBORD ET QUI NE S’EN SONT PAS TROP MAL SORTIES, FINALEMENT. J’SOURIS UN PEU.

Quand même, je trouve ça incroyable la confiance et l’énergie que ça donne que d’avoir une vie sexuelle satisfaisante, surtout après l’avoir longtemps mise de côté. Malgré la grisaille à l’extérieur, je m’active joyeusement dans mon appartement. J’ai commencé quelques projets d’écriture et ai même décidé de m’essayer à poser pour un projet de photographie ! C’est comme si la reconquête de mon plaisir était devenue un moteur à ma créativité, dans les dernières semaines.

Dans mon salon, je sirote mon thé chaud et regarde mes cahiers étalés devant moi. Je rature, remanie et encercle quelques passages. J’essaie de monter un poème ou un texte intéressant pour accompagner la photo pour laquelle j’ai posé. Évidemment, les thèmes qui ressortent sont en lien avec la sexualité et le plaisir au féminin. Je suis incapable d’écrire sur un sujet qui ne m’habite pas, donc en ce moment c’est tout ce qui sort. Je lui envoie quelques-unes de mes idées par texto. J’obtiens une vague réponse de sa part. Ça m’irrite un peu, mais j’essaie de ne pas trop m’en faire.

Dans les dernières semaines, on s’est vus beaucoup et avec intensité. On a eu quelques discussions, mais on a surtout testé différentes surfaces de nos appartements : les murs, les comptoirs, la douche ou la table de cuisine. J’ai aussi beaucoup lavé mes draps. Le magnétisme des corps est une chose que l’on ne contrôle pas vraiment, paraît-il.

I guess que c’est une bonne chose ?

Ça fait quelques jours qu’on ne s’est pas vus. J’me dis que c’est un délai acceptable pour le relancer et lui donner rendez-vous; que ça va peut-être susciter une réaction un peu plus enthousiaste de sa part. J’essaie de continuer à organiser mes écrits, mais n’arrive pas vraiment à me concentrer. J’regarde mon téléphone aux deux secondes, pour toujours faire le constat d’un écran qui reste noir.

Il est sûrement occupé, que j’me dis.

En attendant une réponse, mon esprit divague et se repasse en boucle la dernière conversation qu’on a eue. Il me semble qu’il a vaguement énoncé qu’il ne cherchait rien de sérieux et qu’on ne s’attachait pas, grosso modo. De mon côté, j’lui ai dit que ça ne me dérangeait pas. Sauf que ça m’a fait un petit pincement.

En rétrospective, j’pense que j’ai surtout dit que ça ne me dérangeait pas pour ne pas l’effrayer et qu’il mette un terme à la relation. J’lui accorde un peu le mérite de ma sexualité qui débloque enfin et j’ai peur d’avoir à recommencer mes recherches, sinon.

En ce moment, je m’en mords les doigts et essaie fort de me convaincre que son indifférence ne me fait rien. J’réussis pas. Quand l’écran de mon cellulaire s’illumine enfin, j’me pitche dessus.

J’m’en veux rapidement, parce que c’est pour y lire qu’il vient de rencontrer quelqu’un et qu’il sent qu’avec elle, ça peut devenir sérieux. Il offre qu’on se voie, pour en discuter.

J’aurais lancé mon téléphone. À la place, j’ai dit oui.

Quelques heures plus tard, c’est un [désormais ex] amant que je retrouve tout piteux à sa table de cuisine. Cette rencontre-là, où il met fin d’une part à notre relation, puis d’une autre tente d’amorcer une amitié, c’est un drôle de cocktail émotionnel, pour moi.

J’suis triste que ça se finisse. En même temps, j’lui en veux d’avoir prétendu ne rien chercher de sérieux. Sauf que je l’apprécie et j’veux bien qu’on reste amis, donc j’me sens mal d’être fâchée.

Puis, il y a une tension irrépressible, à peine supportable, qui s’est installée entre nous pendant qu’il s’explique. On s’est serrés et regardés longuement; c’était jouer avec le feu avec son lit aussi près. J’suis partie avant d’lui sauter dessus.

En arrivant chez nous, je regarde mes cahiers et mes notes qui me parlent de plaisir au féminin. L’ironie ne s’arrête pas là : j’ai fini de sortir des boîtes le contenu de ma table de chevet, ce matin.

Heureusement [ou pas], le désir n’est pas mort.

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