Sophie et ses hommes (Saison III, Épisode 4) : Le pot aux cerises se trouve sur Galt Ouest

Date : 1 février 2023
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Dans toutes les villes où j’ai vécu, j’ai toujours habité l’Est. 

Historiquement, ce sont les quartiers des classes ouvrières dans les villes industrielles, puisque c’est dans cette direction que souffle le vent qui, à l’époque, amenait la poussière des cheminées des grandes industries. Comme relent de cette histoire populaire, c’est là encore que l’on trouve les logements les plus abordables, ainsi que quelques services publics situés en périphérie du centre.

Certes, j’ai toujours vécu dans l’Est pour l’abordabilité – relative, ces jours-ci – des habitations, mais aussi parce que j’ai grandi dans un milieu ouvrier. Le voisinage est un rappel constant de mes racines modestes, mais qui sait aussi me faire sentir chez moi. 

Issue de la classe ouvrière, j’ai aussi eu la chance de devenir une universitaire de première génération. Ce n’est qu’à partir de là que j’ai commencé à plus fréquemment traverser de l’autre côté de la rivière ; à mieux connaître l’Ouest de la ville. 

Toutefois, ça ne m’a jamais vraiment tenté de déménager pour me rapprocher. Mon logement me convenait tout à fait, quitte à passer plus de temps dans l’autobus. Par le fait même, on peut donc dire aussi que ma connaissance de l’Ouest de la ville est plutôt limitée. 

C’est un peu à tout cela que je pense en regardant dehors le vent – celui qui jadis amenait la poussière des cheminées des grandes industries – faire remuer les branches devant la fenêtre de ma chambre.

La météo dehors est glaciale, mais il fait chaud sous les couvertures, entouré de mes deux matous. L’un de minets me ronronne dans l’oreille, tandis que le second pétrit joyeusement les côtes du nouvel homme qui se trouve aussi dans mon lit et qui lui gratte le cou. On est bien, tous blottis. 

Il est arrivé hier soir, et depuis, on ne s’est pas lâchés. Pourtant, c’est seulement la deuxième fois qu’on se voit.

Ainsi, je ramène mon attention vers lui et continue de lui parler de ma famille, ses dynamiques, son histoire et ce que j’en comprends. Réciproquement, il me parle de la sienne, plutôt originaire d’un quartier populaire de l’Ouest de la ville. Ma piètre connaissance des lieux qui ont marqué son enfance le surprend, par moments. 

On rit et on discute longuement ; presque tout l’après-midi. Éventuellement, c’est le gargouillement de nos estomacs qui nous ramène à la réalité. On constate que ça fait près de 24h qu’on est ensemble, ce qui nécessite des préoccupations un peu plus pratiques : 

Est-ce qu’il devrait rentrer chez lui ? Je n’ai pas envie, mais je peux imaginer qu’il veuille minimalement se changer ou prendre quelques affaires. 

Devant mon hésitation – et possiblement en ayant d’autres intentions en tête, il me propose de me faire découvrir un restaurant qu’il affectionne particulièrement tout près d’où il vit, dans l’Ouest. Il ajoute qu’on pourrait faire préparer une commande pour emporter, puis aller manger chez lui ensuite. 

Il fait une pause et me sourit, avec ses yeux tannants qu’il plisse un peu, avant d’ajouter à sa proposition que je peux aussi amener quelques affaires, si j’ai envie de rester pour la nuit. 

Après que j’ai accepté son offre, il propose donc d’appeler pour faire préparer la commande, pendant qu’on se prépare. Il s’enquiert donc de mes préférences de pizza et me demande ce que je pense de la polémique pizza hawaïenne. 

En vrai, je prendrais n’importe quoi à manger, comme ce n’est pas tellement ce qui m’intéresse dans cette aventure à l’Ouest de la rivière. Mon absence d’opinion sur la question semble d’ailleurs lui faire plaisir.

C’est seulement qu’en arrivant chez lui que j’ai remarqué quelque chose qui clochait : Il semblait se trouver terriblement drôle, sans que je sache trop pourquoi. De façon tout aussi suspicieuse, il m’a simplement tendu le carton de pizza du Pot-au-Feu – le restaurant en question, en me disant que je pouvais me servir.   

J’ouvre donc le carton… Puis, j’éclate de rire !

Tant d’anticipation pour ça ? Une pizza hawaïenne… avec des cerises marasquins ? 

Misère… On dirait bien que je suis tombée sur quelqu’un qui a l’humour de mon père.

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