TOPOGRAPHIE STELLAIRE

Date : 14 mars 2022
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Vivez un moment unique lors du vernissage ce jeudi 17 mars 2022, la Galerie G de BR présente sa nouvelle exposition Topographie Stellaire. Je vous invite à ne pas laisser filer les derniers instants de cet évènement en plongeant, corps et âme, dans les œuvres cosmiques de la douée Geneviève Boivin-Roussy.

Être pour devenir… Toute notre vie se constitue ainsi avec cette possibilité de revêtir sans cesse une nouvelle peau. Dans cette transformation, cet endroit jouit de nouveaux horizons et c’est ce qui fait de la Galerie G de BR un lieu inestimable. Dans ce miroir de l’être, on apprend à se chercher, à découvrir ou à se redécouvrir, à se détacher un temps de notre quotidien.

Un havre de paix… Lors de ma première rencontre, je témoignais du fait qu’il s’agisse d’un endroit apaisant, où nous pouvions laisser voguer, entre peinture, sculpture et photographie, entre mer et terre, nos réflexions, nos impressions, nos interprétations.  Aujourd’hui, il n’y a pas de hasard, au moment où j’écris, la musique A place among the stars de Hans Zimmer joue et effectivement, ce lieu devient une place parmi les étoiles. Topographie Stellaire s’installe durant le mois de mars, dans une réflexion sur l’univers, sur ses couleurs, la matière et tout ce qui le compose, entre les constellations, les corps célestes, les trous noirs. Cette réflexion s’inscrit dans le travail, sublime, il faut le souligner, de l’artiste qui recompose, décompose sa vision stellaire sur les « vagues », les veinures du bois donnant lieu à des tableaux vivants. Je n’en dis pas plus, car il faut le voir pour le comprendre.    

Pour Entrée Libre, Geneviève Boivin-Roussy nous ouvre les portes de l’univers, de son univers artistique :

Souley Keïta :  Durant notre première rencontre, tu t’exprimais sur le temps et l’espace, au travers de la première exposition : Le Temps Lumière. Avec ce nouvel événement, c’est l’espace à travers le temps. Est-ce que pour toi ce sont deux éléments indissociables et qu’il faut se comprendre dans ces deux éléments ? On évoquait également l’idée d’occuper son espace où il y a sur certaines œuvres une fin et d’autres non. 

Geneviève Boivin-Roussy : C’est relatif… C’est tellement relatif, car tu peux te trouver dans un espace-temps où il y a cette impression d’un temps figé et où l’émotion est au cœur. Il y a également quelque chose, d’ailleurs on peut faire une analogie avec cela, entre l’espace et le temps, mais aussi entre la matière et l’antimatière. L’antimatière a sans doute ce côté plus figé et c’est cet élément que j’ai voulu explorer, quelque chose de figé, mais qui se doit d’être toujours en mouvement, d’où l’utilisation du bois avec ses veinures. Il y a ce bois vivant dans lequel j’ai enfermé la couleur qui se fige, mais il y a l’iridescent qui va vivre selon la lumière. C’est cela que je trouve intéressant dans ces œuvres parce que pour moi elles placent le vivant.

Souley Keïta :  Chercher la lumière. J’aime l’idée que dans ta carte des étoiles, il ne faut plus simplement voir, mais chercher. J’aime aussi l’idée de nous replonger en enfance, un temps où on prenait le temps de retrouver notre étoile perdue dans l’immensité du ciel. Est-ce que cette recherche et ce temps t’ont permis de te focaliser sur ton art ? 

Geneviève Boivin-Roussy : Ah tellement! Il y a beaucoup de recherches en amont que ce soient sur l’étude des couleurs, sur l’étude du bois, l’étude de notre ciel, sur l’eau ou la réflexion des couleurs. Ce fut un travail qui m’a amené à me questionner sur comment le laisser organique, vivant, sans tomber dans quelque chose de trop technique ou trop cérébral. Il fallait trouver le juste milieu dans ses questionnements, mais également être à l’écoute de la matière. C’est elle qui s’est imposée à moi et non l’inverse. Nous sommes des explorateurs! Voir la vie comme un explorateur t’amène à être humble face aux changements, sans chercher à avoir toujours le contrôle. D’ailleurs, j’écoutais une entrevue d’Amélie Nothomb qui portait une réflexion sur notre sensibilité face à l’impulsion créatrice. Elle disait que si on contrôle l’œuvre elle va nous glissait entre les doigts, car ce ne sera plus l’œuvre qui va grandir à travers toi et au final, en la contrôlant, elle va perdre sa vérité. Pour conclure, elle donnait comme idée qu’il faut apprendre à être des bons surfeurs et prendre les vagues.

Souley Keïta :  On apprend mieux d’une personne par son art, avec cette exposition, tu t’exposes sous un nouveau jour. Celui où tu livres une partie de toi, une partie de tes couleurs, tout en poussant les spectateurs à creuser. Quelles ont été tes limites pour ne pas trop te dévoiler ou au contraire, il n’y en avait aucune et tu voulais un lâcher-prise ?

Geneviève Boivin-Roussy : Un lâcher-prise! Pour reprendre un peu mon background, lorsque j’étais enfant, je ne parlais pas. Ma mère d’ailleurs pensait que j’étais muette. 

Je m’exprimais selon mes moyens avec la peinture notamment en faisant des fresques sur les murs de la maison, ce qui n’était pas du goût de ma mère donc je me faisais très souvent chicaner. 

Évidemment, c’était plus fort que moi, je ne sais pas ce qui se passait, mais il suffisait que je voie le crayon, que je voie la matière et j’étais lancée. C’était un besoin, mon besoin vital de m’exprimer. Par la suite, j’ai refusé d’aller en art visuel, car je n’avais pas envie de casser la petite fille en moi, cet univers qui m’habitait, car c’était quelque chose qui m’était très personnel. Concernant le jeu, concernant le contrôle, je sentais que pour cela il fallait que j’aille chercher des bases et j’ai décidé d’aller en jeu. Ces notions artistiques que j’ai apprises au théâtre, cette enveloppe que j’ai voulu comprendre, je les ai appliquées dans ma peinture même si ma peinture est toujours restée un journal intime.

J’ai eu un moment dans ma carrière, lorsque tout a décollé en même temps, notamment avec mon rôle dans O’, j’avais livré mon journal intime. J’avais dit à la production, de façon très naïve, que je faisais de la peinture. Je n’avais pas envie, nécessairement de voir mes œuvres à l’écran, mais il voulait voir ce que je faisais. Je sortais de l’école de théâtre, je voulais jouer et je trouvais formidable que mon personnage soit une artiste en art visuel. Par ailleurs, je trouvais géniale l’idée de pouvoir défendre ce qu’elle est. Sur le coup, ils sont venus voir mon atelier et ils m’ont fait savoir qu’ils allaient tout me louer, même mes poubelles avec les pinceaux, les croûtes de peinture, etc. Ils sont partis avec tout, et sur le moment j’étais vraiment heureuse. Après j’ai vite déchanté, car en arrivant lors du premier jour du tournage et en voyant tout mon univers sur le plateau, je ne me suis pas sentie bien. À ce moment précis, il y avait quelque chose qui me hantait, cette peur que l’on ne fasse pas attention à cela. Je voyais les gens prendre les toiles et ne pas faire attention, j’avais ce ressenti que l’on ne faisait pas attention à moi, à mon univers. Il y avait également un mélange entre mon art et les commandes de la production qui m’ont perturbé. J’ai eu ce sentiment d’imposteur par rapport à mon art, du fait que mon personnage se mélange à ce que je suis, ou inversement, car moi je n’ai pas étudié en peinture. 

Aujourd’hui, je le prends différemment et j’ai moins cette peur, car je sais comment en prendre soin, c’est pour cela que j’ai également créé ce lieu, pour prendre soin des autres univers, car c’est tellement fragile, ce sont des petites étoiles.

Aujourd’hui, je ne suis plus effrayée, c’est sûr que cela est vertigineux, car ça ne peut pas être plus personnel que ça de montrer mes peintures.  Mes peintures sont une part de mes rêves, de mes questionnements, et c’est dans ces endroits que je retrouve la petite muette en moi.

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