Toutes et tous coupables – Partie I

Date : 2 octobre 2022
| Chroniqueur.es : Cassandra Boyer
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Défaillances dans le système de santé québécois, un enjeu d’ordre structurel

L’enjeu du système de santé québécois semble sans issu. Malgré les promesses faites par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis des décennies, rien ne semble bouger. Peut-être devrions-nous changer notre lunette d’analyse de la situation. Et si tout n’était pas qu’une question d’argent ?  

Pour plusieurs, la réponse aux enjeux entourant notre système de santé se calcule en milliards de dollars. Peut-être suis-je dans le champ, mais j’ai l’impression que nous faisons face à une problématique bien plus complexe que ça. Une problématique pour laquelle la solution ne s’achète pas. Avant d’en arriver à une quelconque piste de solution, commençons par nous pencher sur cette question :  Quessé qui va mal dans notre système de santé? 

En regardant la plateforme électorale de chacun des cinq partis en course au Québec, on pourrait penser que le problème vient du manque de financement ou encore qu’il est causé de la pénurie de main d’œuvre qui justifie le TSO (temps supplémentaire obligatoire) imposé au personnel soignant. Mais encore…  On pourrait aussi en déduire que la solution réside dans la privatisation des soins. Non. Ce qu’il faut, c’est d’abord que chacun.e assume sa part de responsabilité dans ce dossier. Il est le résultat de structures sociales d’une société hyperindividualiste et faisant l’éloge des valeurs de production et de performance. 

Notre système de santé a été calquée sur ces caractéristiques. Le résultat, nous le connaissons toustes. Nous l’appelons «la bête» et nous avons toustes vu son organigramme durant la pandémie. Certes, elle joue un rôle central dans la difficulté que nous éprouvons à assurer l’accès à des soins de qualité à l’ensemble des QuébécoisEs, mais elle n’est pas seule. Le rôle de «la bête» est systémique. Il ne faut pas oublier que ce système est le fondement d’une société qui nous reflète, ou devrais-je dire que nous reflétons.

Autant dire que nous sommes toutes et tous coupables.

À commencer par notre gouvernement.

Après avoir appris que Christian Dubé resterait ministre de la Santé si la CAQ obtient un second mandat, Mélissa Généreux, candidate de Québec Solidaire dans Saint-François a partagé ses préoccupations : « Comme médecin dans le réseau, […] j’ai quand même des réserves sur la façon très comptable que M. Dubé a eu de gérer le système de santé.» Elle déplore le manque d’humanisme du ministre Dubé et afffirme qu’il s’agit d’un sentiment partagé par plusieurs professionnels de la santé au travers l’Estrie.

«Tout le monde en revient à cette logique-là, où on est traités comme des numéros, où on est traités comme des colonnes de chiffres, comme des signes de dollars, mais très peu comme des humains.» (Généreux, 2022) [1]

Sans surprise, la CAQ s’est empressé de démentir ces allégations allant jusqu’à qualifier la gestion du ministre «d’humaine et performante. » [2]

Je me dois de démentir les dires de la CAQ en vous présentant un témoignage écrit par une préposée aux bénéficiaires expliquant pourquoi elle quitte ce métier qui était sa vocation.

« J’ai été préposée au bénéficiaire durant 4 ans. 


Quatre années où j’ai rencontré des collègues toute plus emphatiques, généreuses, amicales et fortes les une que les autres.  […] J’ai vu des gestionnaires et coordonnatrices suivre le personnel de soins pour leur rappeler l’importance de : pincer son masque, se laver les mains à répétition, ne PAS BOIRE D’EAU, ne pas DIGÉRER, et surtout ne pas sortir durant leurs congés pour ne pas rapporter de virus, mais qui nous répondent qu’il faut apprendre à lâcher prise quand une famille de 10 personnes viennent embrasser leur maman pas de masque pi manger toute dans la même assiette. […]

Ce n’est qu’une partie de la violence systématique que les préposéEs vivent chaque jour. CHAQUE JOUR. Bien entendu, si on en parle on se fait dire : ben t’as juste à changer de job… Ah oui ? Qui va s’occuper des personnes âgées et des gens malades le jour où iels seront toustes tannéEs ? 


Personne.»

[Pour son témoignage complet, c’est ici.]

C’est fou ! À aucun moment, dans son témoignage, il est question d’argent. Devrait-on en déduire que l’argent n’est peut-être pas la solution à tous nos maux ? Comment faire comprendre qu’on n’achète pas des meilleures conditions de travail avec un chèque ici et là à un gouvernement qui gouverne comme s’il gérait un business C’est sûr qu’un chèque, dans ces temps où pour vivre, il faut être prêtE à se tuer à l’ouvrage, ben ça s’prend bien. Reste que ce n’est qu’un plaster su’l’bobo. Pis su’ un gros bobo à part ça !

Bien que l’analyse purement structurelle d’une problématique permette une compréhension plus approfondie de celle-ci, elle comporte une lacune. On vient souvent qu’à dépeindre une situation d’une telle ampleur que nous semblons n’avoir aucun pouvoir d’agir. Pourtant, plus souvent qu’autrement, nous en avons ! D’autant plus sur cet enjeu considérant que nous sommes toustes concernéEs. Notre pouvoir de renverser la tendance est peut-être même plus grand que celui des politiques que les différents partis pourraient mettre en place. Ça s’explique par le fait que les structures sociales constituent un ensemble d’arrangements (structures politiques, économiques, juridiques, etc.) dans une société donnée qui sont à la fois issus et déterminants des actions des individus. 

À suivre….

[Pour la deuxième partie : Toutes et tous coupables – Partie II : Place à la responsabilité individuelle sur la question des lacunes que comporte le système de santé québécois?]

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