Ukraine – Québec, vivre ou survivre ?

28 août 2025
Crédit image : Laryssa Sergiienko

C’était un lundi matin gris et froid de novembre 2024. C’était mon jour de congé, et je m’offrais cette journée en mettant sur pause ce « parcours du combattant ». C’est ainsi que nous appelons cette nouvelle étape de notre vie : l’émigration.

J’ai consulté les nouvelles sur mon téléphone, et après avoir parcouru quelques publications sur Facebook, je suis tombée sur un article d’une journaliste montréalaise, Miriam Fimbry, qui décrivait la vie de plusieurs familles d’Ukrainiens nouvellement arrivés, unies par un même problème : l’impossibilité de renouveler leur carte d’assurance maladie de la RAMQ.

Un frisson m’a parcouru l’échine… Cela faisait un an que mon mari Oleksii luttait contre un cancer de la peau.

Un diagnostic qui bouleverse tout

Au début, il était très difficile d’obtenir un rendez-vous avec un dermatologue, dû à une pénurie de spécialistes. Mais après une consultation en chirurgie esthétique, le médecin a retiré un grain de beauté qui avait décuplé. L’échantillon a été envoyé pour une biopsie et, deux semaines plus tard, nous avons reçu un diagnostic stupéfiant : un mélanome métastatique de stade 4.

En consultation, un oncologue nous a dit : « Si vous étiez venu me voir il y a dix ans, je vous aurais donné une espérance de vie de quatre à six mois. Mais aujourd’hui, nous avons fait de grands progrès dans ce domaine et le traitement que nous utilisons donne de bons résultats. »

Un tel pronostic était encourageant, mais nous avions du mal à partager son optimisme.

La vie avait ébranlé notre foi aux miracles. Après avoir survécu à trois semaines d’occupation russe, et fui notre ville en ruines, la guerre avait miné sérieusement tout espoir d’issue positive.

Pour nous, c’était une nouvelle guerre sur un front différent, mais toujours où la vie défiait la mort. Nous avons dû nous ressaisir et mener toutes les recherches et les consultations nécessaires. Heureusement, le gouvernement canadien nous avait accordé la permission de travailler, et nous avions une assurance maladie de la RAMQ.

Un an de traitement avait déjà donné de bons résultats. Et maintenant, un nouvel obstacle se dresse : « La période initiale du programme AVUCU accordée aux patients de la RAMQ devra se terminer en février 2025. » ai-je lu dans l’article de Miriam Fibre. Et ce, seulement au Québec. Toutes les autres provinces canadiennes avaient prolongé de trois ans l’assurance maladie pour les Ukrainiens. Cela signifie qu’après nous devront financer nous-mêmes les traitements.

Que faire ? Déménager dans une autre province, après s’être installés ici avec nos enfants adultes et notre petite-fille dans la belle ville pittoresque de Sherbrooke, avec ses services médicaux au CHUS Fleurimont ? Déménager dans une province anglophone après avoir appris le français, alors que je parle couramment l’anglais ?

 

L’espoir rallumé par les médias

Je retrouve le numéro de téléphone d’une journaliste locale, Marie-Hélène Russo, à Radio-Canada, et je lui écris : « Penses-tu qu’on devrait commencer à en parler ?»

Je joins un lien vers l’article et j’envoie le message. La réponse arrive immédiatement : « Je serai avec toi ce soir avec un caméraman.»

Ce n’était pas notre premier contact avec elle ; deux reportages sur notre famille avaient déjà été diffusés à la télévision locale. Marie-Hélène et Mathieu Beaumont, l’animateur de l’émission matinale Par ici l’info à Radio-Canada, étaient présents dans nos vies. Elle savait qu’Oleksii était malade.

Le reportage, diffusé le soir du 13 novembre au Téléjournal Estrie en première heure de grande écoute, a suscité l’émoi. Christine Labrie, députée de Sherbrooke, et des Ukrainiens résidant au Québec se sont mobilisés. Une pétition a commencé à recueillir des signatures sur des groupes Facebook ukrainiens : Lettre au gouvernement du Québec – Protégeons la RAMQ des préjudices causés aux Ukrainiens.

Ainsi, le mercredi 20 novembre 2024, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a assuré que le gouvernement prolongerait l’assurance maladie pour les Ukrainiens.

Le 15 décembre, la décision a été prise: l’assurance a été prolongée jusqu’en 2028, et c’était le plus beau cadeau de Noël ! Je n’aurais jamais cru que les médias avaient autant de poids dans la société ! C’était notre chance de salut que la vie nous a offerte encore une fois !

 

 

Partager :

facebook icontwitter iconfacebook icon

Autres articles de :