Un portrait brûlant du nord québécois

28 août 2025
Crédit image : Science-Presse

À l’été 2023, la communauté de Pessamit, sur la Côte-Nord, a accueilli une centaine d’Innus de Uashat mak Mani-utenam fuyant les incendies de leur secteur. Cela rappelait 1991, lorsque c’étaient les Innus de Pessamit qui avaient été hébergés par ceux de Uashat mak Mani-utenam, là aussi en raison d’une saison intense d’incendies.

Georges Pushtash Fontaine est l’un des membres de Pessamit qui revient sur les évènements de 1991 dans un atlas thématique consacré aux bouleversements climatiques du Nitassinan, le territoire de la Première nation des Innus. Fruit des savoirs scientifiques et ancestraux, l’ouvrage Mishta-Mishkutshipalu Tshishiku  – Le temps qui change, témoigne des traces du réchauffement climatique sur cette communauté innue et des préoccupations culturelles, écologiques et scientifiques sur ce territoire.

Les bouleversements climatiques frappent en effet durement les communautés du nord avec notamment l’intensification et l’allongement de la saison des incendies. Ce qui s’ajoute aux autres effets négatifs du réchauffement du climat, comme la perturbation des déplacements sur le territoire et un recul de la biodiversité. « Cela fait longtemps qu’on en parle. Nos parents nous avaient prévenus que l’industrialisation allait perturber le «nutshimit» (l’intérieur des terres) et faire partir les derniers caribous proches de la communauté », relève Adélard Benjamin, le coordonnateur de projets au secteur territoire et ressources de Pessamit.

Au croisement des savoirs innus et scientifiques

Perte de la biodiversité et des ressources forestières, multiplication des incendies et des dégels, hausse de l’insécurité alimentaire, survenue de la tordeuse de l’épinette, disparition du caribou forestier… L’atlas thématique documente les multiples impacts des changements climatiques dans la région, en plus d’offrir des projections climatiques pour les décennies à venir, sur la faune et la flore. « Le terme de changement climatique n’existait pas dans la langue innue, même si les bouleversements se constataient, des incendies aux insectes ravageurs. L’idée était de faire un portrait, avec une approche de terrain qui vise la résilience de la communauté », explique l’ethnobiologiste Marie Saint-Arnaud.

« Ce n’est pas juste une synthèse scientifique, mais aussi une vision culturelle et poétique du territoire et de ses grands changements, avec la participation d’artistes et de poètes comme Joséphine Bacon et Natasha Kanapé Fontaine », ajoute Saint-Arnaud.

Les futurs gardiens climatiques du nord

L’histoire de Nahema, née en 2015 et qui deviendra adulte au milieu du siècle, illustre ce temps qui change. À travers son histoire future, on peut suivre des projections climatiques vulgarisées pour les membres des communautés et particulièrement les jeunes.

« Elle expérimentera toute sa vie les bouleversements du climat, avec une hausse de près de 2 degrés par rapport à ce que ses parents ont connu », explique le climatologue Philippe Gachon, et cela pourrait atteindre 6°C de plus au printemps, d’ici 2100, par rapport au climat de référence (1971-2000). Les projections montrent encore une augmentation des précipitations de 43% en hiver et de 33% au printemps, par rapport à la période de référence, avec une accélération des périodes de gels et de dégels, moins de couverture protectrice de neige l’hiver, et des sécheresses plus intenses l’été ainsi que des probabilités d’incendies plus élevées. C’est pourquoi les habitants du Nitassinan, particulièrement les jeunes générations qui étudieront cet ouvrage, se voient confier le mandat d’être les gardiens climatiques du territoire. Dotés de ces connaissances culturelles et scientifiques, ils pourraient à leur tour témoigner des grands changements du nord, et peut-être se donner les moyens d’y faire face. 

 

 

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