La démocratie en temps réel

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Claude Dostie Jr
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En avril, Patrick Chabot et Julie Bernard, deux professeurs au Cégep de Sherbrooke, respectivement en sociologie et en philosophie, en ont eu marre du gouvernement Charest. Pour de vrai! « Le verre était plein », se rappelle Patrick, qui venait, un matin, de lire que Pétrolia allait entrer avec ses gros sabots sur l’Île d’Anticosti. « Ça n’a pas de sens », déplore-t-il en entrevue. À cela s’ajoutait le refus de tenir une commission d’enquête sur la construction et bien sûr, le dossier des gaz de schiste.

Et la liste est longue…

Ils ont donc décidé de prendre les grands moyens et de demander la « révocation » du gouvernement Charest. Les raisons de leur action sont énumérées sur Mobilisatron.org, un site Internet qu’ils viennent de lancer. Les  « manquements fondamentaux à la démocratie » du gouvernement Charest, peut-on y lire, vont de « l’exploitation des ressources naturelles au détriment de l’environnement » jusqu’au « maintien d’un climat de suspicion au sujet du financement des partis politiques » en passant par les doutes de la population à propos du processus de nomination des juges et l’ « usage abusif du bâillon et de la loi spéciale. »

Pour le couple, « la démocratie se retrouve aujourd’hui dans ses derniers retranchements. » Ils sont particulièrement aigris de la manière dont les ressources naturelles sont exploitées au Québec, avec des redevances nettement en deçà de ce qui est exigé ailleurs. « Les Québécois se font voler! », lancent-ils.

Raviver la flamme

Le Moblisatron se veut avant tout un moyen de « rassembler les mouvements de contestation au Québec. Deux choses le distinguent, selon ses fondateurs, de la dernière pétition signée par près de 250 000 personnes à l’automne et au printemps derniers. Premièrement, la pétition demandait exclusivement la démission du premier ministre; c’est là une « personnalisation du problème », croit Patrick. « Si Nathalie Normandeau prenait la place de Charest, ça ne changerait rien. »

Deuxième différence : l’objectif de participation est deux fois plus élevé. Ils visent en effet 500 000 signatures pour « passer à l’étape finale », ce qui signifie une demande plus formelle de démission du gouvernement.

Ce qu’ils veulent au fond, c’est éviter que les citoyens ne tombent dans une certaine apathie : « On veut raviver la flamme et redonner un élan démocratique à la population. »  Patrick Chabot trouve inquiétant qu’on en soit aujourd’hui à penser que « la démocratie c’est simplement d’aller voter aux quatre ans ».

Le Mobilisatron souligne donc l’importance d’exercer aujourd’hui une surveillance continue de nos politiciens. Patrick fait remarquer qu’« avec les changements technologiques, les impacts de l’introduction de certaines innovations se font sentir plus rapidement. » La démocratie doit donc, elle-aussi, s’exercer en temps réel. « Pouvoir retirer le pouvoir à notre gouvernement, c’est le fondement de notre démocratie et du contrat social », s’exclame Julie.

Professeurs, intellectuels, citoyens

Les deux militants tiennent à dire que cette initiative n’a rien à voir avec leur travail au Cégep. Quand on leur demande s’il y a eu une quelconque réaction négative dans leur milieu de travail, Julie rappelle qu’ « on  n’abdique pas nos droits de citoyens en signant un contrat avec le Cégep! » Ils se considèrent tout simplement comme des citoyens et des intellectuels qui exercent leur sens critique et leur droit de parole.

Ils décrivent tout de même leurs étudiants comme étant avides de vérité. « Ils veulent un monde meilleur, explique Patrick, peut-être parce qu’ils sont plus exposés à des scénarios catastrophe. »

Ils ont discuté du projet avec des collègues et amis mais ils tiennent à préciser qu’ils ne l’ont pas publicisé en classe. D’autres professeurs et amis ont participé à des brainstorm ou les ont conseillés en matière de communication. Mais, spécifie Patrick, sourire en coin, « il n’y a pas de cellule terroriste au Cégep de Sherbrooke. »

Tous deux se désolent qu’une espèce de climat de peur règne au Québec. En effet, ce qu’ils ressentent, c’est que les gens ont peur de représailles. Ils ont l’impression qu’une révocation du gouvernement, c’est en quelque sorte illégal, alors que cela se fait dans plusieurs pays et États américains. Selon Patrick, ce climat n’est pas étranger au régime oligarchique dans lequel nous vivons. Il y a une éducation à la démocratie qui doit être faite.

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