La souveraineté du peuple face à l’indépendance d’un pays

Date : 30 mai 2016
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier
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Les membres du parti Québec solidaire se sont réunis en congrès national à la fin du mois de mai à Montréal pour, entre autres, actualiser leur programme sur l’indépendance du Québec. Alors que la démission inattendue de Pierre Karl Péladeau entraîne une nouvelle course à la chefferie du Parti québécois, avec surenchère et faux-semblants des différents candidats quant à leurs ambitions référendaires, un stimulant exercice de démocratie interne et de débat de fond se tenait entre les délégués de toutes les associations locales de QS dans le grand amphithéâtre de l’UQAM pour réaffirmer leur volonté d’une souveraineté populaire construite à partir de la base du peuple Québécois plutôt que d’un référendum imposé par le haut.

Mandat de l’Assemblée constituante

Une assemblée constituante est un collège de personnes qui ont pour rôle de rédiger une constitution qui est le texte fondamental de l’organisation d’un pays. Les modes de fonctionnement d’une telle assemblée sont divers et dépendent des règles établies avant sa formation par l’institution qui la convoque: nomination ou élection des membres, procédure consultative ou indépendante, ratification du projet de constitution par référendum ou par le parlement.

La position politique actuelle de QS sur l’indépendance est de convoquer une assemblée constituante suite à l’élection d’un gouvernement Solidaire. Cette assemblée constituante sera élue au suffrage universel et aura pour objectif de rédiger la constitution du Québec par un processus de consultation général de la population dans toute sa diversité. À la suite des travaux de l’assemblée constituante, le projet de constitution sera soumis à la population par référendum.

Est-ce sous la pression de la «convergence des partis indépendantistes» lancée par PKP peu avant sa démission qui souhaite fusionner les partis indépendantistes sous une même bannière pour remporter les élections provinciales? Ou alors par la volonté de membres de Québec solidaire impatients de voir se réaliser un Québec indépendant et de clarifier la position du parti sur ce point? Toujours est-il que la commission politique de QS proposait à ses membres de se prononcer sur le mandat qu’aurait l’assemblée constituante une fois élue. Le débat était ainsi lancé entre la convocation d’une assemblée constituante avec «mandat d’élaborer un projet de constitution d’un Québec indépendant» ou alors la position où «l’assemblée constituante aura pour mandat d’élaborer une constitution du Québec».

La différence entre les deux propositions tient en peu de mots, mais elle est d’une grande importance. Donner mandat à l’assemblée constituante signifie que les travaux de l’assemblée s’organiseront autour du Québec indépendant, alors que le choix d’une assemblée constituante sans mandat ne préjuge pas de la forme dans laquelle aboutiront ses travaux.

Démocratie interne et souveraineté populaire

Les débats entre les deux options, débutés déjà en amont dans les associations locales et sur les réseaux sociaux, promettaient d’être houleux, voire saignants, tant les deux positions semblent non conciliables. On a vu des Empires s’écrouler pour moins que ça, mais les Solidaires ne portent pas leur nom en vain et la vigueur de leur organisation démocratique interne a permis de prendre une décision claire et forte, sans éclats de voix ni de cartes de parti brûlées!

L’élaboration du programme de Québec solidaire se fait à la base, par ses membres, et toutes les parties du programme sont votées à la majorité des délégués en assemblée plénière. Les propositions de modification du programme peuvent être faites à la fois par les instances nationales tout comme les associations locales. C’est un processus de dialogue et d’échanges plutôt que d’affrontement. Lors des assemblées plénières, les prises de paroles des membres sont assurées avant le vote de la proposition, avec alternance de parole entre les hommes et les femmes. C’est l’assemblée qui décide du temps alloué pour la discussion, et le vote n’intervient qu’une fois que les membres s’estiment prêts à voter.

Ainsi, Québec solidaire s’est prononcé pour une assemblée constituante sans mandat prédéfini. Le vote s’est fait avec une courte majorité, mais tout le processus d’échanges et de respect de la parole ont fait qu’une fois le vote joué, ce choix devenait la position légitime du parti, et reconnue par tous les membres. Il y avait des déçus, mais pas de battus.

La pratique de la démocratie interne à QS est également inspirante sur le processus démocratique qu’adoptera l’assemblée constituante dans son travail de rédaction d’une constitution du Québec. En effet, sans mandat, cette assemblée est inclusive et recueillera la parole de tous, c’est-à-dire aussi des citoyens en défaveur d’un Québec indépendant. Le processus de consultation, d’échange, de débat contradictoire au sein de la population permettra d’aboutir à une proposition de constitution plus consensuelle et surtout inclusive. Très probablement que cette constitution ne sera pas compatible avec le maintien du Québec dans la confédération du Canada. Mais de par son processus démocratique, consultatif, émanant du peuple, la question de l’indépendance du Québec ne sera plus une question venant d’en haut, posée par un gouvernement, mais une conséquence logique d’un processus inclusif de recueil de la parole et de vision d’un futur commun aux citoyens du Québec. C’est de la légitimité populaire que pourra se faire le choix d’un pays.

Il ne tient donc qu’à nous, citoyens du Québec, de nous prononcer sur notre vision du futur pour qu’émerge un Québec indépendant ou canadien mais, quelle que soit sa forme, qui nous ressemble.

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