Safia, merci.

Date : 14 août 2019
| Chroniqueur.es : Marie-Danielle Larocque
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Safia. Oui, je vais parler de Safia Nolin, de son clip de femmes nues qui fait scandale. Pas pour la ridiculiser, dire qu’elle a besoin d’attention, que c’est dégueulasse, ou comparer ça à de la pornographie, non. (oui oui, j’ai lu ces commentaires).

Pour dire que ça m’a fait du bien. Il y a peu de mots pour décrire ce que ça fait de se voir ENFIN sur un écran. Pas moi là, mais mon corps. Un corps de grosse femme. Avec les seins et le ventre qui pendent, des bourrelets ici et là, des cuisses collées, des tatous pis plein de cheveux colorés. Je les ai trouvées tellement belles. Tellement que je me suis demandée pourquoi j’avais autant une relation amour-haine avec mon propre corps depuis si longtemps.

Tout ce que j’ai vu, ce sont de magnifiques personnes, courageuses, qui m’ont donné envie d’aller moi aussi courir toute nue dans un champ, solidaires de plein d’autres femmes aux corps différents, qui se font régulièrement jugées, critiquées, violentées. Et là… c’était juste du doux. C’est ma scène préférée d’ailleurs. Celle où elles commencent à courir ensemble, alors que personne give a fuck. C’est libérateur. Parce que toute nue, je ressemble à ça moi aussi. Ça bouge de partout, mais j’haïs ça. Je n’ai besoin de personne d’autre pour me shamer, merci je le fais toute seule depuis longtemps.

La honte que je ressens, c’est celle que je vois dans des centaines de paires d’yeux. C’est celle que j’ai vu toute ma vie. C’est celle ressentie quand des gars me criaient à travers leur char: «Va t’cacher la grosse!» ou «T’es laide!» alors que je marchais sur le trottoir. C’est celle que je ressens à chaque fois que j’essaie un nouveau morceau de vêtement dans des magasins «réguliers» et que la grandeur XL ferait à ma nièce de 7 ans. C’est celle que je feel quand j’entre dans un magasin «Taille Plus» qui vend du linge découpé dans des draps fleuris au double du prix. Celle qui t’attrape par derrière quand un siège de cinéma est trop serré. Celle qui te pogne aux tripes quand un médecin te propose de jeûner pour perdre du poids (!). Quand tout l’monde assume que ton régime alimentaire est constitué de chips, de fritures pis de plein de patentes les plus dégueulasses qui existent. Quand tu te fais féliciter d’avoir perdu du poids alors que t’es en dépression et que c’est pour ça que tu maigris. Pis là j’aborde même pas la séduction ou la sexualité…

Et puis franchement, qu’est-ce que ça peut bien vous faire combien je pèse et de quoi j’ai l’air? Vous n’avez aucune idée de la pression sociale tant que vous ne l’avez pas vécue. Alors oui, célébrons la diversité des corps pis toute pis toute. Mais portons aussi attention les unes aux autres, à ce qu’on vit, à ce qu’on subit. Parlons ouvertement de grossophobie. Reprend ton ami qui fait une joke de grosse. Envoie chier ton oncle parce qu’il te niaise sur tes bourrelets de côté. Va te baigner en public.

Sois forte et fière.
Pis déshabille-toi la lumière ouverte.

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