COMME UNE VAGUE

Date : 1 avril 2021
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Une critique sans trop divulgâcher.

Un frisson. Ces frissons, qui viennent faire palpiter un cœur qui s’enivre des doux rythmes alternés de la fin de vie d’une vague qui se dépose sur cette plage dont les cailloux sonnent les dernières notes.

Ces mêmes frissons qui nous traversent le corps lorsque l’on porte un regard, mais avant tout, une oreille à la dernière œuvre de Marie-Julie Dallaire. Œuvre qui a ravi le FIFA, vu qu’il était en sélection officielle de cette 39ème édition. 

À juste titre, son documentaire est simplement renversant et nous plonge dans une expérience sensorielle qui a conquis Jean-Marc Vallée, qui en est d’ailleurs devenu le producteur exécutif et qui, sans aucun doute va faire vibrer les spectateurs. Marie-Julie Dallaire nous subjugue dans sa manière de filmer l’humain et de le mettre en lumière à travers cette relation avec la musique et ses prémisses, d’ailleurs de nombreux visages se livrent à la caméra de la réalisatrice de Notre Père, de Cosmos, on retrouve le dj Osunlade, la musicothérapeute Tiana Malone, le violoncelliste Stéphane Tétreault, l’écologiste accoustique Gordon Hempton ou encore l’auteur-compositeur-interprète Patrick Watson. La musique est le fait de tous, un dénominateur commun à chaque être humain. Comme une vague ne se veut pas un simple film hommage à la musique, il est une ode au pouvoir ultime de la musique : celui de rassembler.

Entrée Libre s’est entretenu quelques instants au téléphone avec la talentueuse réalisatrice :

Souley Keïta : L’écoute est un des mots qui revient le plus souvent, est-ce qu’en choisissant le noir et le blanc, l’impact que vous vouliez mettre en lumière est que l’écoute pourrait appartenir à un temps loin de nos sociétés contemporaines?

Marie-Julie Dallaire : En noir et blanc, tout est beau. Le choix du noir et blanc est né du désir de mettre la trame sonore du film en avant-plan. Nous nous sommes posé la question, de comment nous pouvions aborder l’image? Certes nous avions l’intention de faire de belles images, mais la réponse revenait à faire de belles images sans aller en compétition avec le son. Habituellement, le son est toujours important au cinéma, car il va soutenir l’image, il va la magnifier. Dans le cas de ce documentaire, la musique est le personnage principal, un personnage intangible, invisible. J’ai essayé de trouver un moyen avec mes directeurs photo, Tobie Marier Robitaille et Josée Deshaies, d’avoir une image belle et effacée en même temps. Je ne dis pas que le noir et blanc est effacé, mais l’absence de couleurs est un désir de sobriété maximum dans l’image. Nous voulions également voir dans l’image une lumière, une texture, une forme, sans pour autant être distrait et c’est ce que la couleur aurait fait.

L’autre désir était d’unifier tous ces lieux et ces personnes filmés. 

Souley Keïta : À travers votre langage cinématographique, on dénote cette volonté de faire danser la caméra (zoom in, zoom out, travelling circulaire…) à la manière de Baz Luhrmann (Gatsby le magnifique, Moulin Rouge, etc.) pour faire plonger le spectateur dans une profondeur musicale jamais explorée, était-ce crucial de montrer une autre facette de la musique?

Marie-Julie Dallaire : Après le noir et blanc, c’était l’autre interrogation, comment cadre-t-on ce film, la musique et ses mouvements? La musique est un mouvement perpétuel, donc il était important pour moi que pour supporter la musique l’image doive être en mouvement perpétuel. Nous avons utilisé une stedicam, par exemple. Si le plan était fixe, il était toujours accompagné d’un flottement. L’image est constamment en mouvement, excepté pour les entrevues. C’était un choix conscient d’avoir une image en adéquation avec la musique.

Souley Keïta : La musique se joue des tempéraments, de notre identité, de notre nom. Cet art sans étiquette, j’ai été au premier abord déconcerté par le choix de ne pas présenter les personnages, mais également ravi par cette vision de dire que la musique est le personnage principal qui rassemble, pouvez-vous nous en dire plus.

Marie-Julie Dallaire : Il y a plusieurs raisons qui ont motivé ce choix. D’abord, au début, je ne vous cacherai pas que dans les premiers montages, les personnes étaient nommées. D’ailleurs, c’est Josée Deshaies qui se demandait si nous avions vraiment besoin de les nommer. Lorsque les noms étaient enlevés dans les montages suivants, on se rendait compte que l’on comprenait très bien qui sont les personnes, les gens se révélaient seuls. La musique est le personnage principal et ces personnes incarnent une facette de la musique. C’était une façon de démocratiser les personnes, de les mettre sur un même pied d’égalité, car ils sont tous égaux face à la musique.

Souley Keïta : Dans une structure qui pourrait être classique, mais qui ne l’est pas, ce film soulève de nombreuses réflexions notamment de voir la musique comme un art politique, comme un art divin, comme une science émotionnelle, comme une nourriture tant pour l’âme que pour le corps. Est-ce que Comme une vague est un film qui veut renverser les spectateurs pour montrer la puissance de cet art ô combien important?

Marie-Julie Dallaire : On vient de parler de la forme filmique du mouvement, les vagues et l’océan rythment la planète. La métaphore avec l’eau est arrivée en cours de route. Cela était un peu une surprise, car la référence venait de la plupart des personnages. Dans le fait de créer une vague cinématographique, comme vous le dîtes, la structure peut paraître classique, mais elle ne l’est pas, dans le sens où elle est intuitive. Nous suivons la vague. Le film est structuré de telle manière qu’une chose en amène une autre. On glisse sans trop s’en apercevoir, d’une réflexion à une autre réflexion, d’un lieu à un autre lieu ou d’un personnage à un autre personnage. Il y a des « momentums » comme le dit Patrick Watson dans le film, donc on monte dans le « momentum » puis il y a le ressac et ainsi de suite. On a voulu créer une certaine montée qui nous amène à la fin du film. Il y a des personnages comme Dream Orchestra ou Patrick Watson que l’on suit à travers la construction d’un concert, avec une structure plus narrative, mais sur d’autres éléments, il y a plus une volonté de faire ressentir que de dire… D’où les nombreuses années de travail (rires). Tout un défi!

Un documentaire qui va vous faire vibrer dès ce week-end de Pâques dans les salles obscures de La Maison du Cinéma.

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