De travailleuses à chômeuses, même injustice, même combat

Date : 26 avril 2019
| Chroniqueur.es : Guillaume Manningham
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Entrevue de Guillaume Manningham de Solidarité populaire Estrie avec Denis Poudrier du Mouvement des Chômeurs et Chômeuses de l’Estrie (MCCE) à propos de la campagne «De travailleuses à chômeuses, même injustice, même combat».

1) J’aimerais savoir les raisons pour lesquelles le MCCE et le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), dont vous faites partie, utilise le terme assurance-chômage plutôt qu’assurance-emploi?

Nous utilisons le terme assurance-chômage pour exprimer notre opposition aux fondements idéologiques du régime actuel. Une assurance-chômage protège contre le risque de chômage, ce n’est pas un système de régulation de la main-d’œuvre, tel que le prévoit la Loi sur l’assurance-emploi depuis 1996.

2) La campagne du MASSE porte des revendications qui répondent aux besoins de l’ensemble des personnes sans emploi, mais pourquoi avez-vous soulevé davantage la réalité des femmes?

Notre vision d’une couverture universelle est de permettre un nivellement vers le haut. Nos revendications aideraient davantage les victimes du régime actuel, les femmes et les jeunes, tout en bénéficiant à l’ensemble de la population active.

3) Pour l’admissibilité et la durée des prestations, je crois que le travail à temps partiel y est pour quelque chose dans la réalité spécifique des femmes?

Tout à fait, c’est un élément important que le gouvernement libéral a exploité dans sa réforme de 1996. En changeant les critères d’admissibilité de semaines (12 à 20) en heures (420 à 700), l’État réduisait la protection des femmes qui, rappelons-le, occupent 75% des emplois à temps partiel.

4) Comment se fait-il que pour chaque dollar cotisé par les femmes à l’assurance-emploi, elles reçoivent 0,73 dollar en prestations régulières comparativement à 1,21 dollar pour les hommes?

La modification de semaines en heures mentionnée plus tôt est en grande partie responsable de ces écarts. Avant 1997, les travailleuses à temps partiel devaient cumuler au moins 15 heures dans une semaine afin que celle-ci soit assurable (un timbre pour les plus agé-e-s). Depuis 1997, plus d’un demi-million de personnes (moins de 15 heures/sem.) doivent cotiser à l’assurance-chômage sans pratiquement aucune protection en cas de mise à pied. Faire payer davantage les femmes tout en les empêchant d’y avoir recours au besoin n’est-elle pas une formule payante pour l’État?

5) Les sommes allouées pour le supplément familial aux prestations n’ont pas été ajustées depuis 20 ans (!). Comment cela affecte les femmes?

Le supplément familial permet de majorer les prestations d’un parent (80% sont des femmes) dont le revenu familial net est inférieur à 25 921$. Ce seuil n’a pas changé depuis 1997, diminuant d’année en année le nombre de parents admissibles (187 320 en 2002 vs 79 400 en 2017).

6) 24,1% des femmes cotisant à l’assurance-chômage n’ont pas eu le droit à des prestations, car les raisons de la fin de leur emploi ont été jugées non valables comparativement à 15,3% pour les hommes? Pourquoi?

80% des personnes qui quittent leur emploi en raison de responsabilités familiales sont des femmes. Bien que leur décision soit légitime, l’assurance-chômage les exclut trop souvent. Les absences ou retards pour raisons familiales peuvent également conduire un employeur à congédier la travailleuse.

7) Pour avoir fait signer la pétition le 8 mars dernier, un des éléments qui soulevait un sentiment d’injustice chez les gens, c’est le calcul des semaines de congés parentaux comme étant l’équivalent des prestations d’assurance-chômage. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cet enjeu?

Actuellement, les congés parentaux du RQAP sont comptabilisés comme des semaines de prestations spéciales d’assurance-chômage. Une maman qui perd son emploi durant son congé ou peu de temps après celui-ci n’aura pas droit aux prestations régulières d’assurance-chômage. Elle sera donc pénalisée pour avoir pris un congé en maternité et en parental.

8) La campagne a mobilisé du monde dans plusieurs régions au Québec et a eu un écho à Ottawa. Quelles sont les suites et y a-t-il une activité prévue en Estrie?

Une grande assemblée publique est prévue à Sherbrooke au début de mai et une mobilisation nationale aura lieu à Québec le 23mai prochain. D’ici là, la pétition papier se poursuit et nous offrons de la formation sur demande.

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