Déconstruire les préjugés xénophobes et racistes (2)

Date : 29 janvier 2018
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2. « L’immigration fait baisser nos conditions de travail! »

On entend souvent dire que l’arrivée de personnes migrantes aurait un impact négatif sur nos conditions de travail. La prémisse derrière cette idée est que l’immigration vient ajouter des individus aptes au travail dans le grand bassin de ce que les économistes appellent « la population active », et que cela augmente donc la compétition face aux emplois disponibles. On se fait également répéter que certaines personnes immigrantes seraient prêtes à acceter des conditions de travail plus basses, exerçant ainsi une pression à la baisse sur l’ensemble des conditions de travail. Sans plonger dans un exposé approfondi des rouages de notre système économique, quelques éléments méritent d’être mentionnés rapidement afin de répondre à ce mythe.

D’entrée de jeu, il nous faut reconnaître qu’il semble logique de croire que l’augmentation du nombre de personnes souhaitant trouver un travail ait pour résultat de créer plus de concurrence, voire de faire monter le chômage. Il faut toutefois considérer que plusieurs personnes immigrantes, une fois arrivées, voient leurs diplômes et leurs expériences non-reconnues, et doivent donc se tourner vers des emplois qui demandent peu de qualifications. La concurrence augmente donc seulement pour certaines catégories d’emplois. Parallèlement, le racisme systémique et les obstacles liés à l’immigration font en sorte que les individus nouvellement arrivés sont nettement plus susceptibles de devoir se tourner vers le chômage qu’un travailleur natif d’ici, même peu qualifié. Mentionnons aussi quelques études qui ont été réalisées sur le sujet : Jennifer Hunt (1992), par rapport à la France de 1962 suite à l’indépendance de l’Algérie; David Card (1990), sur « l’exode de Mariel » en 1980; ou encore Rachel Friedberg (2001), sur l’immigration en Israël suite à la chute du bloc soviétique; Frédéric Docquier, Çaglar Ozden et Giovanni Peri (2014), sur l’immigration entre 1990 et 2000 dans les pays de l’OCDE. Toutes ces études tendent à démontrer que l’effet d’une vague migratoire sur le marché de l’emploi est généralement faible (même parfois positive!) et se résorbe en quelques mois, tout au plus quelques années. Il est donc loin d’être clair que l’immigration affecte négativement les conditions de travail.

Finalement, blâmer les personnes immigrantes pour cette situation (fictive) est une erreur. En remettant les choses en perspective, on constate qu’il manque un acteur important dans cette histoire : le patronat. Les boss se réjouissent de nous voir nous entre-déchirer et nous pointer du doigt entre nous. Mais au final, c’est le patronat qui garde le gros bout du bâton, qui contrôle nos salaires et qui détermine nos conditions. Alors, plutôt que de traiter les personnes migrantes ou réfugiées comme une menace, il serait bénéfique – pour tout le monde! – de les reconnaître comme des alliées et de s’unir pour défendre notre droit commun à des conditions de vie dignes et décentes!

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