DEVENIR FEMME

Date : 7 mars 2021
| Chroniqueur.es : Fanie Lebrun
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« ÉCOUTE TON PÈRE QUAND TA MÈRE TE PARLE? » IL Y A UN FOND DE VÉRITÉ DANS CHAQUE BLAGUE. EST-CE QUE L’ÉPOQUE DE « SOIS BELLE ET TAIS-TOI ! » EST RÉVOLUE? SINON, COMMENT APPREND-ON À NOS FILLES ET FILS À SE COMPRENDRE POUR S’ÉCOUTER? COMMENT NOS FILLES APPRENNENT-ELLES LE SAVANT DOSAGE DE SE MÉFIER OU DE FAIRE CONFIANCE, DE S’AFFIRMER OU DE FUIR?

Dans le cadre la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, je me questionne sur les conditions préalables pour pouvoir s’affirmer et être entendue. Malgré la controversée Simone de Beauvoir affirmant qu’ « on ne nait pas femme : on le devient ». Comment susciter le dialogue au-delà des conditionnements genrés? Parce que tôt et rapidement, on a intérêt à l’apprendre. On ne sait jamais quand cela va servir, apprendre à devenir femme. Il va sans dire que nous avons aussi besoin d’hommes ouverts, sensibles et humbles pour ce faire.
Un jour, il faudra aller au-delà que les gars doivent être forts et les filles gentilles, on pourrait même travailler à l’inverse. Comme le chantait Louis Armstrong : It takes two to tango – Cause it takes two to do this dance (faites-vous plaisir et allez l’écouter !).

Vécu et vu

Non, ce n’est pas la statique de ma robe d’été qui me colle à la peau mais bien le vieux monsieur derrière moi qui me pogne les fesses dans la file d’attente. En fillette du primaire, j’apprenais à lire, pas à gérer cela. Réflexe de survie, je me suis tassée, encore et encore. Ce n’était ni la première, ni la dernière fois que j’étais confrontée aux chocs des corps. J’ai conservé une forme de naïveté? de pardon? Ai-je internalisé que c’était normal? Pour ne pas sombrer dans l’ombre. En vacances, une promenade de plage a viré en marché public. Est-il courant en République dominicaine que les hommes assis lancent des prix à une femme qui passe? J’ai dit à mon mec qu’il devait être bon et riche pour que je refuse toutes ses offres alléchantes.

Crédit photo : Fanie Lebrun « Il est important de se tenir debout, s’exprimer sans crainte, être écoutée. La couleur n’a pas d’importance, car tu rayonnes d’un regard assuré, regarde en avant et sois bien accompagnée. Ta chanson est inspirante. Ta musique et tes paroles feront vibrer les gens. » (La Bouée)

On ne m’a pas préparé en tant que femme à subir et voir ce monde de possibilités. Tout comme la jeune fille cubaine à peine sortie de l’enfance, maquillée en femmes, offerte en marchandise que sa mère promène pour la location. Quoi dire de ce petit bonhomme qui se lève en me regardant dans les yeux et part en courant. Laissant cette petite cocotte étendue sur le dos. Lui, clairement dérangé en pleine position sexuelle au milieu de la rue, contraste dans ce décor guatémaltèque ancestral !

Des situations parmi tant d’autres auxquelles l’école, la famille ou la société ne m’a pas préparée à affronter mais que cela n’a pas empêché d’arriver.

C’est-tu vrai? Est-on vraiment obligé.es…

Trépignant d’envie de voir les femmes égales aux hommes, c’est plus que juste en nombre de rues à leur nom. Comme disait Françoise Giroud, « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Un vrai monde équitable quoi, en vraie reconnaissance aussi. Égal mais pas pareil. Combien d’hommes se permettent des libertés et commentaires déplacés? Même que certains se voient attribuer des médailles et des prix à leur nom, malgré des travers plus que douteux. Je ne crois pas que nous ayons besoin que des femmes perpétuent la tradition. Parfois vue la prestance des gens, on s’imagine que cela est dans notre tête. Lors d’un vernissage, je réalise que ce n’est pas le cas. En observant une superbe oeuvre d’art, cet homme me dit que « peut-être ferions-nous des aussi beaux enfants s’il insérait son pipi en moi ! » Non, monsieur, je ne crois pas. Disons que déjà à 18 ans je savais que je ne voulais pas d’enfants et s’il y avait lieu, je souhaiterais que mes enfants aient un tout autre bagage génétique que le vôtre. Mais je n’ai rien dit. Un sourire niais, le sentiment d’être conne. Heureusement, ce ne sont que des paroles en public et non pas des actes dans un coin sombre. Me demande encore si je l’avais raconté, m’aurait-on cru ? Et après ?

« N’oublie pas que ton corps t’appartient. Il est libre comme l’eau dans la rivière. Ton corps est beau, c’est ton pays. Tu es maître des frontières. N’oublie pas que ton corps t’appartient. » (Maison Séjour) Crédit photo: Fanie Lebrun

Aurais-je aimé mieux savoir quoi faire ? Quoi dire ? Apprendre à réagir sur le tas, c’est ordinaire. Apprendre à gérer ses situations pour les traces qu’elles laissent, c’est primordial. Est-ce que l’on prône la vigilance? Ou on force le changement? Chose certaine, veillons sur nos filles, soeurs, mères et femmes de cette terre. Parce que ces micro-agressions vécues et vues s’inscrivent dans la chair, l’esprit, le coeur.

Écoutons les femmes

Le collectif 8 mars présente le thème 2021: Écoutons les femmes. Le constat le requiert. « Les femmes veulent des mesures concrètes pour combattre la pauvreté et la violence qu’elles subissent afin d’améliorer considérablement leurs conditions de vie et de travail. » Pour en saisir la portée, Il faut voir le visuel, réalisé par Valaska illustration, qui « met en lumière les femmes dans toute leur diversité afin de représenter la pluralité de leurs réalités et des luttes féministes à mener. »

Soyons sensibles et à l’affût. Soyons capables d’agir pour réagir, de comprendre pour entendre. Parce que les femmes ont à se défendre partout (dans le monde) et tout le temps (de l’enfance et au-delà !).

Pour moi, c’est une suite…

Pour cultiver la lumière, lors des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes (décembre 2020) dont le thème était « agissons contre les violences systémiques », j’ai réalisé des cartes postales alliant des portraits de femmes (photos de rue de voyage) à la parole de la communauté. Ce projet a vu le jour grâce au soutien du comité des 12 jours donnant lieu à une série de cartes postales imprimées, faites de personnes et de témoignages anonymes pour un « Accès inconnu.e ». Dans les commentaires reçus, beaucoup d’inspiration, de plaisir et cela a été très libérateur ! Ce projet déborde en 2021 pour que cette médiation culturelle poursuive sa trajectoire en rejoignant plus de quatre régions au Québec. Et, si elle pouvait rejoindre le monde pour continuer de faire son chemin en nous…et même plus.

«Ne reste pas seule, un simple appel à une soeur, une amie, collègue de travail peut t’apporter le calme et la paix qu’on voit au loin dans cette mer houleuse et parfois déchaînée. » (Maison Séjour) Crédit photo : Fanie Lebrun

Pour le mot de la fin, encore M. Armstrong – There’s a lot of things that you can do alone. But takes two to tango. Il y a beaucoup de choses que tu peux faire seul. Mais il faut être deux pour le tango. Oui, si nous étions plusieurs pour changer les choses et entrer dans la danse. Qu’on soit à l’écoute des femmes en devenir et que nous cessions de parler dans le vide, en entendant « la petite musique de ce n’est pas si grave ».

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