Douce moitié mal répartie

Date : 24 février 2016
| Chroniqueur.es : Jean-Benoît Baron
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Lorsqu’on s’attarde au paysage cinématographique québécois, on se rend vite compte que les artisans derrière l’objectif sont en grande majorité des hommes. Encore aujourd’hui, le 7e art de notre belle province est loin de rendre la place qui revient aux femmes.

Un des problèmes majeurs qui explique cette situation est souvent parce que leurs films reçoivent moins de 15% du financement public accordé au cinéma. D’ailleurs, Réalisatrices Équitables (RÉ) est un organisme à but non-lucratif fondé en 2007 par des réalisatrices professionnelles du Québec, qui vise à atteindre l’équité pour les femmes dans le domaine de la réalisation. RÉ se définit comme un groupe de femmes talentueuses, déterminées et audacieuses qui essaient de transformer le monde du cinéma et de la télévision dans un pays trop souvent allergique aux changements et aux remises en question.

C’est en 1972 que le Québec va connaître son tout premier long-métrage réalisé par une femme, du nom de Mireille Dansereau, avec La vie rêvée. Quarante ans plus tard, c’est plus d’une soixantaine de réalisatrices qui sont venues enrichir notre paysage cinématographique.

Parmi nos visages les plus connus, mentionnons entre autres Denise Filiatrault (L’odyssée d’Alice Tremblay, Ma vie en cinémascope), Carole Laure (Les fils de Marie, CQ2, La capture, Love Projet), Léa Pool (Le papillon bleu, Maman est chez le coiffeur, La dernière fugue) ou encore Micheline Lanctôt (Le piège d’Issoudun, Suzie, Pour l’amour de Dieu).

D’autres cinéastes, comme Anaïs Barbeau-Lavalette (Le ring, Les petits géants, Inch’Allah, Le plancher des vaches), Sophie Deraspe (Rechercher Victor Pellerin, Les signes vitaux, Le profil Amina, Les loups), Anne Émond (Nuit #1, Les êtres chers), Pascale Ferland (Ressac), Catherine Martin (Mariages, Dans les villes, L’esprit des lieux, Trois temps après la mort d’Anna, Une jeune fille) et Louise Archambault (Familia, Gabrielle), pour ne nommer que celles-ci, apportent grandement au cinéma québécois et le font même rayonner à l’échelle internationale. Il ne faudrait surtout pas passer à côté de la brillante et assumée Chloé Robichaud, qui nous a offert l’excellent Sarah préfère la course et, la websérie qui fait jaser, Féminin/Féminin.

Bien que les réalisatrices soient plus nombreuses qu’avant, leur place sur les grands écrans n’est pas plus importante. Nous associons trop souvent réalisatrices et «cinéma féminin», qui est une étiquette lourde à porter. De plus, comme la majorité des artisans du cinéma sont des hommes, il manque de modèles féminins au grand écran et de rôles tenus par des femmes. Marquise Lepage, présidente de Réalisatrices Équitables, mentionne, dans un article publié dans Le Devoir, que «plus de réalisatrices signifie plus de comédiennes au-devant de la scène et moins de stéréotypes à l’écran».

Et à Sherbrooke?

Sherbrooke n’est pas épargnée par cette tendance. Questionnée au sujet de la place qu’elle occupe au sein d’un paysage cinématographique majoritairement masculin, la jeune cinéaste sherbrookoise Marie-Lou Béland nous confie ceci: «Un cinéaste m’a dit un jour: «Quand t’es un gars tu peux gagner ta vie plus facilement dans le cinéma en commençant par être technicien sur les plateaux, tandis que, quand tu es une fille t’as pas le choix d’être bonne pour percer, parce que tu dois tout de suite te positionner comme réalisatrice.» Par expérience, je crois qu’il avait raison, car sur les plateaux, on voit beaucoup plus d’hommes, car les rôles sont plus physiques. Bref, pour ma part, j’ai toujours occupé tous les rôles: scénariste, caméra, réalisatrice monteuse, coloriste, et je crois que c’est ce qui me permet de gagner ma vie avec cela, malgré que ce soit un milieu (surtout à Sherbrooke) très masculin. Cependant, mes collègues ne m’ont jamais mise de côté parce que j’étais une fille. Je crois que peu importe le sexe, l’important c’est notre vision, ce que l’on veut véhiculer. Il y a de plus en plus de femmes dans le milieu du cinéma, et je trouve important que les femmes ne soient pas destinées aux rôles secondaires de plateaux, mais qu’elles puissent avoir une réelle place dans notre toile cinématographique».

Baser notre système cinématographique sur une question de sexe est une absurdité. Il n’y a que le talent, la pertinence et l’imagination qui devraient être considérés. Tout le reste est totalement futile.

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