En deçà des apparences

Date : 23 mars 2018
| Chroniqueur.es : Jean-Benoît Baron
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Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le monde a complètement changé. Malheureusement pour eux, le peuple arabe en a pris pour son rhume. Certaines personnes ont la fâcheuse habitude, de tout mettre dans le même panier. En voyant une personne s’apparentant à un arabe, ils l’associent immédiatement aux groupes d’extrémistes religieux ou autres terroristes de ce monde. C’est l’exemple typique du racisme. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est devenu par conséquent un tant soit peu paranoïaque. Prenons l’exemple de la France, puisque c’est là que se passe le film que je traite dans cette chronique-ci. Selon une étude suédoise, la France est l’un des pays les plus racistes d’Europe. Toujours selon cette étude, environ 22,7 % des Français ne veulent pas d’un voisin d’une autre « race » que la leur. Le nouveau film du comédien et réalisateur, Yvan Attal, intitulé Le Brio, traite de ce sujet.

Le Brio, c’est l’histoire d’une jeune étudiante en droit, d’origine Algérienne, qui fait la rencontre d’un professeur à qui on prête des propos racistes à son égard. Une amitié d’amour/haine se développera par la suite entre les deux. Le film prend racine dans une France actuelle encore stigmatisée par les attentats de Charlie Hebdo. Le personnage de la jeune Neila, joué avec force par la comédienne et chanteuse Camélia Jordana, porte sur ses épaules toute cette charge xénophobe du regard des autres envers elle. De par les contrôles qu’elle doit subir, en entrant dans des lieux hautement sécurisés, comme l’université, alors que les autres caucasiens n’en ont pas, on comprend rapidement la lourdeur du quotidien de cette petite banlieusarde vivant à Créteil. De l’autre côté, il y a ce professeur, Pierre Mazard, un type cynique et provocateur, joué avec brio (pour faire un jeu de mot facile) par l’excellent Daniel Auteuil. Le film repose presque entièrement sur ce duo improbable. Bien que le personnage de Neila soit pointé du doigt par les autres, presque ostracisé, elle ne joue pas un rôle de victime pour autant. Elle sait se défendre par les mots. D’ailleurs, la profondeur de la langue est un autre thème majeur du film. Comme les études en droit demandent, avec raison, de bien choisir les mots que l’on emploie, le film est doté d’une fine écriture. De par les dialogues savoureux, mais aussi par cette recherche linguistique poussée, en citant au passage des penseurs comme Aristote ou Schopenhauer. À noter également l’ouverture du film sur plusieurs personnalités marquantes pour qui les mots avaient une grande importance, à une époque également où la puissance des mots était mise de l’avant, dont Brel, Gainsbourg ou bien Romain Gary. Il y a une certaine critique également face à notre époque où les mots fusent de partout sur les réseaux-sociaux, mais au fond ils viennent à perdre de leur impact. Finalement, il y a aussi cette notion, tirée de l’expression « l’habit ne fait pas le moine », qui rappelle les aprioris que l’on peut avoir selon le costume des gens autour de nous. On a également tendance à croire les gens que l’on respecte. L’importance d’avoir raison, la vérité on s’en fout, est une idée souvent évoquée dans le récit du film.

Le Brio est un film qui est dynamique, on ne voit pas le temps passer. La musique est également bien présente, quoique parfois un peu trop à certains moments. Les acteurs sont justes, mais on pourra peut-être leur reprocher d’être légèrement stéréotypés. Le duo fonctionne par contre à merveille entre les deux acteurs, on prend plaisir à les voir évoluer tout au long des scènes et l’humour est également bien au rendez-vous. Les plans grandioses de l’Université Paris II sont remarquables et impressionnants, en contraste avec le petit appartement qu’occupent Naila et sa mère.

C’est un film qu’on peut prendre plaisir à regarder pour son humour et ses riches dialogues, mais qu’on peut également prendre comme une œuvre qui nous offre la chance de voir les gens derrière le jugement que l’on peut avoir au premier regard. Un film qui peut également être un vent d’espoir pour le peuple arabe, à qui on prête trop souvent la faute.

En date du 23 mars 2018, le film est en diffusion à La Maison du Cinéma.

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