La loi 97 : le carrousel de la réforme forestière dans l’impasse

22 septembre 2025

Alors que la forêt publique est au cœur des préoccupations environnementales et économiques, le projet de loi 97 relance un débat complexe sur la gestion durable du territoire et la reconnaissance des droits autochtones. Le Nitaskinan, riche en forêts et biodiversité, voit son écosystème menacé par une industrie forestière soumise à des réformes successives. Les communautés autochtones, notamment les Atikamekws, dénoncent leur exclusion partielle du processus de consultation, illustrant la tension persistante entre exploitation économique et préservation écologique.

Gouvernance autochtone : traditions et conseils élus

Les « gardiens du territoire », désignés par certaines communautés pour surveiller et protéger leurs terres, s’opposent à la vision exclusive des conseils de bande élus. Dave Petiquay, gardien du territoire, affirme : « Ce n’est pas aux forestiers qu’on en veut. C’est vraiment le gouvernement qui doit commencer à porter ses culottes… Ces enfants-là se sont levés. On se laisse plus marcher sur les pieds. » Selon lui, les chefs héréditaires détiennent une autorité traditionnelle antérieure à la colonisation et devraient jouer un rôle accru dans les consultations.

Sipi Flamand, chef du conseil de bande élu, soutient cette approche collaborative : « Je trouve ça pertinent juridiquement, politiquement, socialement et économiquement d’impliquer les autorités traditionnelles pour avancer ensemble. » Certains territoires, comme Manawan, illustrent déjà ce modèle, avec un conseil d’administration incluant des représentants des chefs héréditaires.

Malgré quatorze rencontres de la Table de réflexion sur l’avenir de la forêt et diverses consultations publiques, le gouvernement peine à élargir efficacement la participation. Francis Verreault-Paul, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, déplore l’absence d’un véritable dialogue « de nation à nation », rappelant le statut distinct que la Loi constitutionnelle de 1982 accorde aux peuples autochtones.

Forêts en danger

La pression de l’industrie forestière laisse des traces irréversibles sur le territoire. Selon David Petiquay : « Tout est en train d’être saccagé. Les lacs se réchauffent, les arbres n’absorbent plus l’eau, et on ne veut pas de forêts uniformes et monotones. » L’exploitation intensive, la monoculture et l’usage de machinerie lourde compromettent durablement la biodiversité et la santé des sols.

Ces constats soulignent l’urgence d’un compromis équilibré entre exploitation forestière et conservation. Ils expliquent aussi pourquoi plusieurs acteurs estiment que le projet favorise des intérêts à court terme plutôt que le bien commun.

Loi 97 : une réforme contestée

Le projet de loi prétend moderniser l’industrie forestière par de nouveaux zonages et une révision des pratiques d’exploitation. Cependant, plusieurs organisations environnementales dénoncent des insuffisances majeures. Nature Québec et la Société pour la nature et les parcs (SNAP) Québec critiquent notamment :

  • l’évacuation de principes fondamentaux de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, sans analyse scientifique solide ;
  • la priorité donnée à la production de bois au détriment de la biodiversité, de la conservation et des usages récréatifs ;
  • la levée de contraintes, y compris l’interdiction des aires protégées dans certaines zones ;
  • un processus législatif précipité, jugé non démocratique et insuffisamment inclusif.

Alain Branchaud, directeur général de la SNAP Québec, résume : « Le nouveau régime forestier proposé nous ramène à une époque où l’industrie forestière était prédominante sur le territoire et pourrait compromettre les objectifs de protection de la forêt. » L’objectif de protéger 30 % du territoire d’ici 2030, annoncé par le gouvernement, n’est pas respecté, et l’engagement historique de protéger 50 % du Plan Nord est remis en cause. D’autres acteurs, comme le Centre d’études de la forêt, Unifor et Nature Québec, partagent ces inquiétudes, soulignant le manque de consultation et la fragilité de l’écosystème.

Vers un équilibre fragile

La réforme via la Loi 97 illustre un défi majeur : concilier intérêts économiques, droits autochtones et protection de l’environnement. Les consultations existantes sont jugées insuffisantes et la représentativité des communautés traditionnelles demeure controversée. Pour être efficace, le processus législatif devrait s’ouvrir à un dialogue inclusif, fondé sur un nouveau paradigme conciliant exploitation durable et préservation de l’écosystème.

Seule une approche véritablement collaborative permettra de protéger le Nitaskinan tout en garantissant une justice sociale et écologique. Comme le rappellent les gardiens du territoire : préserver la forêt, c’est préserver un lien vital avec la terre, la culture et l’avenir de toutes les générations.

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