Le retour de Bernard Sévigny et ses libéraux

21 octobre 2025

J’ai commencé à m’intéresser à la politique municipale sherbrookoise suite à l’annonce de Jean Perrault de ne pas se représenter aux élections de novembre 2009. À l’époque, la ligne entre libéraux et péquistes était clairement tracée et respectée : on était l’un ou l’autre.

Bernard Sévigny est venu changer tout ça en créant son parti, le Renouveau sherbookois (RS), formé en juin 2008 d’une coalition des opposants bien avant la coalition de Legault.

Les « vrais » libéraux

Perrault est parti pour des raisons familiales ? Ou à cause de l’humiliation suite au rejet de son « Plan d’urbanisme » par la population ? Ou la crainte de la défaite devant Hélène Gravel qui lui avait chauffé les fesses en 2005 ? Peu importe, personne parmi les libéraux ne voulait chausser les souliers de Perrault. De source bien informée, le clan libéral aurait offert le poste à plus de 70 sympathisants qui l’auraient tous refusé. En désespoir de cause, François Godbout a accepté de consacrer deux mois de sa vie à une campagne qu’il ne voulait pas vraiment gagner. On lui fournissait l’équipe et les fonds qui rentraient par chèque comme il se doit, mais sans le nom du candidat. « Mettez quelqu’un sur la chaise ». Même juste pour la forme.

Premier mandat de Sévigny

C’est ce qui a décidé les libéraux à appuyer Sévigny contre Gravel (plutôt péquiste). Et le rôle de Godbout a été de mettre Sévigny en valeur aux dépens de Gravel. Au débat de Radio-Canada (Monsieur Saboun et moi n’étions pas invités parce que considérés comme candidats marginaux), tous performaient bien. Sauf qu’à quelques minutes de la fin, Godbout a lancé une attaque sournoise contre Gravel sur son rôle à la Chambre de commerce. Très surprise, Gravel n’a pu que balbutier quelques justifications peu convaincantes. Le portrait était complet : on avait une victime, le « bad guy » et Sévigny qui avait regardé passer « l’obus » sans broncher, le « good guy ». Résultat de la campagne : Sévigny l’emportait par 122 voix, Gravel deuxième et Godbout à près de 3000 voix derrière.

Sévigny remportait trois sièges en plus de la mairie : Diane Delisle, Robert Pouliot et Bruno Vachon.

Après l’élection, j’avais parlé à André Nault, écologiste de la première heure qui mettait beaucoup d’espoir en Sévigny pour la protection de l’environnement. Quand il avait questionné Sévigny à ce sujet, la réponse de Sévigny l’avait stupéfié, choqué, insulté : « Ce sera « business as usual » ». Quand il décèdera en 2015, on donnera son nom à une grande zone écologique … pour ensuite y faire passer une « autoroute à quatre voies », le prolongement du boulevard de Portland. Impardonnable hypocrisie !

Trois « faux indépendants » se sont joints au RS en cours de mandat : Serge Paquin, Louisda Brochu et Mariette Fugère tandis que d’autres restaient « indépendants » tout en appuyant Sévigny : Julien Lachance, Jean-Guy et Rémi Demers, Pierre Boisvert, Chantal L’Espérance, Roger Labrecque et David Price en s’opposant moins de deux fois par année, souvent sur des sujets mineurs. Pour la forme. À titre de comparaison, dans le mandat actuel, Hélène Dauphinais s’est opposée 70 fois par année, 280 fois en tout.

Deuxième mandat de Sévigny

Grâce à un « faux sondage » paru dans les médias le 24 octobre 2012 sous le titre « Un maire presque parfait » (sondage commandé à la firme d’un proche du parti RS, notais-je) où 75,8 % des Sherbookois étaient satisfaits du maire « mais 38,6 % d’entre eux sont encore incapables de nommer son nom », Sévigny s’assurait que personne n’oserait l’affronter (ou presque) aux élections de 2013. Tellement sûr de lui, qu’il refusait même de participer aux débats. Il a été réélu avec 73,4 % des voix. Curieusement, il n’y aura aucun sondage de publié pendant la campagne.

L’erreur et la chute

Malgré qu’il ait augmenté la dette à long terme de 85 % (229 M$), il a fini par avoir de la difficulté à boucler son budget. Il a eu l’idée d’aller fouiller dans les poches des promoteurs avec le « Règlement sur les ententes promoteurs » (Règlement #34-5) au printemps 2016.

Mal lui en prit parce que les libéraux ont décidé de le sortir en 2017. Ils ont alors cherché dans leur entourage quelqu’un qui pourrait servir de « plante verte » à la mairie. C’est là qu’ils ont trouvé Steve Lussier, technicien en prêts hypothécaires ne connaissant rien à la politique et qui avait fait sa fortune dans l’immobilier.

La machine libérale s’est mise en marche avec le résultat que l’on connait : Sévigny que les (faux) sondages donnaient gagnant à 52,4 % vs 23,2 % pour Lussier dix jours avant le scrutin sera battu à 32,1 % versus 43,5 %, un écart de 5968 voix.

Serge Paquin expliquera la défaite du RS par le porte-à-porte de Marie-Claude Bibeau alors ministre fédérale et conjointe de Sévigny avec Bruno Vachon et la plainte (non fondée) de Jean-François Rouleau à la Commission municipale du Québec.

Les libéraux ont encore gagné.

Quoi dire de Lussier

Rien ! Sinon qu’il n’a que repris les projets pharaoniques de Sévigny et encouragé « la chicane » en s’entourant d’une équipe issue des libéraux et du RS. Vincent Boutin l’a rejoint allègrement plutôt que de remettre son parti sur pied en prévision de l’élection de 2021. Il se retirera alors de la course à la mairie à la faveur de son ami libéral Luc Fortin.

Cela a permis à Évelyne Beaudin de se distinguer par ses analyses approfondies qui dévoilaient les vicissitudes de la politique et de l’administration.

Beaudin

J’ai beaucoup écrit sur le sujet depuis bientôt quatre ans. À vous de relire mes articles sur le site du journal Entrée Libre. En prévision des élections, il est important de s’informer à plusieurs sources parce qu’il y a des informations pertinentes qui n’apparaissent pas dans les grands médias traditionnels.

Par exemple, 1) c’est dans ce mandat-ci qu’un premier « Plan d’urbanisme préliminaire » a été élaboré comblant un vide laissé par l’échec de Jean Perrault en 2007; 2) La hausse de taxe a été tenue sous l’inflation à ±3 %; 3) les ratios financiers sont les meilleurs depuis quinze ans; 4) en 2024, on a mis en réserve 50 M $ pour les immobilisations importantes à venir; 5) L’excédent (Revenus moins Dépenses) a atteint 116 M $ en 2024, un record depuis les fusions; et ainsi de suite.

Pourtant, malgré d’excellents résultats financiers et que la population ait démis deux maires de suite, un mouvement de haine s’est créé contre la mairesse. Du jamais vu pour moi en 17 ans : des élues encouragent et alimentent ouvertement des propos haineux contre d’autres élu·es sur leurs pages et sur un groupe Facebook qu’elles ont formé dans ce seul but.

La suite

Marie-Claude Bibeau a adhéré à ce groupe haineux avec son profil personnel le jour même des élections fédérales le 28 avril vers 17h et aussi le 20 septembre avec son profil professionnel.

Il semble que les libéraux soient dans la même position qu’en 2009 : « Mettez quelqu’un sur la chaise ». Et quand madame Bibeau a annoncé qu’elle quitterait Ottawa pour la mairie de Sherbrooke, les sondages donnaient son parti fédéral comme perdant. Elle s’est probablement dit, comme Luc Fortin après sa défaite de 2021, que « c’était jouable ».

Elle a déjà indiqué vouloir revenir à ce qui ressemble à l’époque Sévigny : décisions à huis clos, abolition des commissions pour revenir à une quarantaine de comités, modifier le Plan nature, le Plan d’urbanisme … bref reculer de huit ans. Et Bernard Sévigny n’acceptera pas de ne servir que de « plante verte » à sa conjointe. À preuve, il ne l’a pas appuyée publiquement : il sait trop bien que ça nuirait à la candidature de l’ex-ministre. Comme ça avait nui à Luc Fortin en 2021.

Je pense que Raïs Kibonge devrait être inspiré par ce grand maire : « Pour moi c’est un principe central, on doit avoir l’humilité de comprendre que personne n’a la science infuse. C’est tout simple, dans la vie, on doit faire ses classes, commencer au bas de l’échelle et apprendre. La Ville de Sherbrooke, avec ses 149 000 habitants, ses 1700 employés, ses comités, ses responsabilités, le cadre règlementaire à l’intérieur duquel elle évolue et ses multiples interactions avec les autres paliers de gouvernement est une organisation très complexe. C’est simple, on ne s’improvise pas, du jour au lendemain, maire de Sherbrooke. Il faut des mois, voire des années, pour en saisir tous les aspects et toutes les complexités » a souligné Bernard Sévigny, candidat du Renouveau sherbrookois à la mairie. Source : Communiqué du RS le 18 octobre 2009, « Je ne m’excuserai pas d’être le seul candidat à avoir de l’expérience de la gestion municipale » — Bernard Sévigny.

Je me suis déjà prononcé sur les candidatures de Vincent Boutin et Guillaume Brien dans les articles « Comment se débarrasser de Sherbrooke citoyen » de février 2025 et « Les candidatures à la mairie de Sherbrooke » d’octobre dernier. Au mieux, ils vont se faire distancer avant la fin de la campagne. Au pire, si l’un d’eux est élu, ce sera quand même le retour des libéraux.

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