Monsieur Miyagi et sa feuille de papier

Date : 27 avril 2018
| Chroniqueur.es : Jean-Benoît Baron
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Après nous avoir offert son premier long-métrage (Jaloux), le réalisateur Patrick Demers nous revient cette fois-ci avec le film de genre Origami. En résumé, c’est l’histoire d’un homme prénommé David (François Arnaud), qui réussit à voyager dans le temps, grâce à un mystérieux Japonais, pour tenter de corriger une erreur fatale qu’il a commise par le passé. Cette œuvre de fiction, qui se promène entre le drame fantastique et réaliste, est une œuvre de notre cinéma québécois, aux allures quasi-hollywoodienne.

De prime abord, je dois vous avouer que je ne suis pas très fanatique des films portant sur le sujet des voyages dans le temps. C’est un thème qui a été maintes fois abordé au cinéma et c’est difficile de réinventer le genre. Ici, au lieu d’utiliser une invention technologique quelconque, le protagoniste voyage plutôt dans son corps à une autre époque, aussi appelé dans le jargon la métempsycose temporelle. Heureusement, en dehors de ces termes techniques, il y a aussi une histoire, un drame, touchant et qui porte à la réflexion.

Parlons-en de ce scénario, décousu en partie, qui se promène justement dans la temporalité du récit, mais qui a également ses failles. Rien n’est vraiment expliqué en détails. Pourquoi est-ce que David semble le seul à avoir le pouvoir de voyager dans le temps? Pourquoi cette fascination envers la mythologie japonaise? Il y a également des clichés cinématographiques qu’on a vu mille fois, comme le personnage qui apparaît de nulle part avec la bonne ligne songée à dire qui tombe juste à point ou encore le protagoniste qui se fait enfermer en psychiatrie, comme un fou, alors qu’il sait pertinemment qu’il ne l’est pas. Par chance, il y a cette histoire de drame familial qui réussit à nous émouvoir, au travers des faiblesses du récit principal.

Le jeu des acteurs est tout à fait juste. François Arnaud, omniprésent à l’écran, se débrouille bien. Fidèle à son habitude, Normand D’Amour livre une performance digne de son talent. Milton Tanaka quant à lui, est plutôt correct mais sans plus. Dans l’ensemble, on sent que les acteurs sont un peu prisonniers de leurs personnages, les empêchant d’aller plus loin dans la performance.

Les forces du film sont : son montage, sa conception sonore et sa musique. En effet, pour marquer les voyages spatiaux temporels de David, l’image ondule et se dédouble, ce qui marque un effet intéressant. De plus, ces moments sont appuyés par des effets sonores qui ajoutent une couche à cet effet. Enfin, la musique originale, signée ici par Ramachandra Borcar, est planante et accompagne à merveille la solitude du personnage principal. La direction photo est réalisée par Tobie Marier Robitaille et le scénario, écrit par André Gulluni et Claude Lalonde.

Au sortir de ce visionnement, bien que les dernières minutes du récit sont exaltantes, il y a quand même plusieurs moments qui auraient mérité d’être raccourcis ou carrément coupés, ce qui nous laisse un peu froids face à cette histoire. La tragédie familiale abordée dans le film aurait pu être bien assez pour nous raconter une bonne histoire, en enlevant le côté fantastique de la chose. Le film demeure tout de même intriguant, mais pas suffisamment pour nous garder en haleine, le temps de ses 99 minutes. Soulignons tout de même l’effort du film de genre de chez nous, comme quoi qu’il n’y a pas juste les Américains qui peuvent en produire. Notre cinéma québécois nous l’a prouvé par le passé et nous le prouvera encore au fil du temps.

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