Plan Nord : le déguisement du Projet du siècle

Date : 8 avril 2012
| Chroniqueur.es : Mylène Clavreul
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Le Plan Nord, ça a de la gueule! Vous savez, c’est ce projet que le gouvernement Charest présente comme l’un des plus importants de notre époque en matière de développement économique, social et environnemental. Oui, c’est cela, ce projet à la source de tout un flot d’encre et de paroles, qui se répand même à l’international! Et attention! Le monstre est encore tout jeune. D’ailleurs, il faut rectifier : c’est le discours autour du projet qui a de la gueule.

C’est quoi le Plan?

Le Plan Nord, c’est une vision-cadre du développement à déployer au cours des vingt-cinq prochaines années, essentiellement dans la région du Nord-du-Québec, mais aussi dans la partie septentrionale du Saguenay–Lac-St-Jean et de la Côte-Nord. Le Plan, annoncé en mai 2011, comporte essentiellement trois composantes.

La composante centrale, dans le discours comme dans le plan d’action 2011-2016, c’est le développement du potentiel économique du Nord québécois, que le gouvernement associe fondamentalement à l’exploitation des ressources minières, forestières et énergétiques. Vient en second plan la composante du développement des communautés. Selon la formulation de la vision-cadre, le projet « favorisera le développement au bénéfice des communautés concernées et du Québec tout entier ». Vient ensuite la composante de la protection de l’environnement, qui, selon le gouvernement, « sera au cœur des décisions ». Il est vrai que le gouvernement Charest présente son Plan Nord comme porteur d’une vision durable du développement, intégrant la mise en valeur et la protection de l’environnement ainsi que le développement des communautés. Or, force est de constater que c’est l’industrie qui remporte la palme d’or.

Jean Charest et le Plan Nord en tournée internationale

Jusqu’à ce jour, le Premier ministre s’est déplacé à New York, Londres, Bruxelles, Francfort, Munich, Paris, Barcelone et Madrid pour présenter le projet de développement du Nord québécois. La trame promotionnelle du gouvernement québécois : donnons de l’importance au Plan Nord et attirons-nous ainsi un soutien, financier comme moral.

Certains en parlent en bien. À New York et à Paris particulièrement, le potentiel économique du Plan Nord a fait bon écho. Certains en parlent aussi en mal : à quelques reprises, on exprime une inquiétude quant à la place consacrée aux autochtones et au respect de leurs droits dans ce projet. Monsieur Charest a même dû répondre à des interrogations des parlementaires à Bruxelles par rapport à cette préoccupation. Dans tous les cas, il reste qu’on en parle, bien que sans trop de vagues. D’ailleurs, règle générale dans cette « tournée internationale », le projet apparaît comme prometteur. Bref, le concept a été bien vendu.

Quelle vision?

Selon Jean-Pierre Pelletier, professeur en évaluation des impacts au Centre de formation universitaire en environnement de l’Université de Sherbrooke, la critique du Plan Nord doit s’adresser à sa base, c’est-à-dire à sa vision. En fait, selon le professeur Pelletier, le Plan Nord n’innove pas. Sa vision s’inscrit dans la même orientation que celle énoncée dans la Richesse collective de Duplessis ou dans le Projet du siècle de Bourassa : il faut exploiter abondamment et rapidement les ressources du Nord du Québec pour « faire de l’argent »…abondamment et rapidement.

Donc voilà, le Plan Nord, ça n’a pas de gueule. C’est remâcher une vieille vision du développement, mais dans un cadre ô combien spectaculaire. À ce titre, le professeur Pelletier est d’avis que le grand renfort du Plan Nord réside dans sa publicité : « Le gouvernement met l’accent sur les retombées économiques et la création d’emploi. Encore une fois, l’annonce semble mettre en opposition développement économique et développement environnemental. Qui seront les méchants qui empêcheront certains promoteurs de développer et les autres d’avoir du travail? »

Ce que Jean-Pierre Pelletier aurait aimé et, disons-le, ce que la société québécoise aurait mérité, c’est un Plan Nord qui inscrive son approche dans une vision nouvelle, qui confronte le développement économique au développement social et environnemental et qui redéfinisse le rapport à l’utilisation des ressources. Ce que les Québécoises et Québécois méritent, ce n’est certainement pas d’apprendre que des activités d’exploitation minière et forestière pourraient empiéter sur le fameux 50 % de territoire protégé dont notre gouvernement se montre si fier.

Et la devise?

« Faire le Nord ensemble : le chantier d’une génération. » Telle est la devise, et tel se pose le problème. Le Nord, il existe déjà, et il est bien vivant. Le Plan Nord s’annonce surtout comme un projet industriel qui le défera. Un chantier, n’est-ce pas? Souvenons-nous : le Projet du siècle de Bourassa n’en a pas été un. Pourquoi? Parce qu’une partie de la population, notamment autochtone, ne le considérait pas comme tel. Oui, le Plan Nord concerne grandement les nations autochtones qui l’habitent, mais interpelle aussi le Sud : la société québécoise veut-elle de ce nouveau « projet du siècle »?

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