Salut à toi Staven

Date : 25 août 2019
| Chroniqueur.es : Hubert Richard
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Le 12 janvier 2018, dans la chambre de bain de Boubou, un homme pour qui je voue un très grand respect, décédait d’une crise de coeur. Il était venu faire le ménage chez un ami en perte de mobilité. Alors qu’il venait de fêter ses 60 ans, le 10 janvier, celui-ci nous quittait laissant un très grand vide. C’était une montagne. Et les montagnes ne partent pas comme cela.

Cela fait plusieurs chroniques que je me promet de lui faire hommage. Car, cet homme était le pilier d’une cathédrale pour la zone toute sherbrookoise, cette plèbe que nous sommes, nous les B.S. et les consommateurs de bas étages qui galèrent dans la pauvreté, en se volant les uns les autres tout en s’aimant et en faisant tout notre possible pour créer des soirées impossibles à se rappeler.

Moi, je vivais un peu à l’écart de cette réalité, mais je voyais tous les ravages le matin à la Chaudronnée quand la bouche sèche et le ventre creux, ces adeptes de vidage de poches qui avaient réussi à tout dépenser, venaient se restaurer avec des toasts et du café. Monsieur Larone, Staven de son prénom, n’avait jamais vraiment l’air affecté par les nuits passées. Comme un capitaine avec son trois mats, il entrait et venait accoster son grand corps toujours à la même table, en y retrouvant ses compagnons du matin qui n’étaient pas ceux ou celles qui galéreraient avec lui. C’était ses compagnons de la table du fond à gauche, la table proche de la porte de sortie (assez pratique pour aller griller une cigarette). Ce n’était pas non plus des compagnons. C’était des personnes assez proches avec qui il pouvait échanger sur la vie et à propos de ses frustrations. Ce que j’aimais chez cet homme, c’est la sécurité et l’intégrité qu’inspirait, son sens du devoir envers un certain équilibre du chaos. Je le voyais comme le gardien d’une nation de naufragéEs, à veiller pour maintenir en un seul morceau un monde éclaté, collé avec de la colle bon marché.

Pas facile quand sa propre fille… avait été attiré dans ce tourbillon de sa vie et l’avait suivi et même dépassé au bout des culs-de-sac, dans des sentiers qui serpentent à travers les appartements où passent et circulent plusieurs générations en même temps.

Je dois vous avouer que la raison pour laquelle j’ai décidé enfin de vous parler de lui… c’est pour avoir été emporté à mon tour dans l’univers de sa fille, en m’attachant à cette gentille et incroyable personne. Et pour avoir vu tout le jugement que portent de saints banlieusards sur le destin de cet homme… et par extensions sur tous ceux et celles qui ont tourné le dos à une vie d’honnête travailleur. Fuck them! Je suis fier d’avoir poffé avec sa fille pour connaître ce que ça fait et, quelque part, honorer sa mémoire. Qu’importe la manière que cet homme a décidé de mener sa vie, il l’a fait sans cesser d’aimer. On aura beau lui reprocher ce que l’on veut, il a toujours gardé son cœur ouvert à la détresse des autres. Heureusement pour lui, il aura, avant de mourir eu la chance de serrer sa petite-fille dans ses bras. De voir sa propre fille se prendre en main, après l’avoir vu traverser les affres d’un accouchement impossible et d’être devenu mère en catastrophe.

Non, la vie c’est bien souvent de la marde. Mais, heureusement, on peut s’en plaindre à volonté. Car, quelque part, des humains comme Staven se sont permis de vivre pleinement cette marde tout en gardant la tête au-dessus pour respirer et voir le bon chez les autres. Il me manque. Mais jamais autant qu’il manque à sa fille. J’espère qu’il ne m’en veut pas d’essayer à mon tour de maintenir collée cette voûte fissurée sous laquelle vous prieriez aussi tout en sacrant.

Salut à toi Staven! Tes trésors sont bien réels! Toi qui fouillais les rivières de la région, pour en recueillir l’or qui en reste… J’en n’ai jamais douté. C’est à mon tour de vieillir sans pouvoir toucher vraiment au rêve qui m’habite. Même si tu m’écoutais pas vraiment quand je te parlais politique, si quelque part là-haut, tu peux m’aider à leur faire entendre raison… juste t’imaginer serrer les poings. Pour sentir que les trous de culs, ce n’est pas nous! En tout cas… Salut à toi!

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