SLAXX

Date : 11 septembre 2020
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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Une critique sans trop divulgâcher.

Tranchant, efficace, meurtri et meurtrier, autant de mots qui résume le jeans vengeur qui sévit dans le slasher de Elza Kephart. Un vêtement, génétiquement modifié, non binaire et s’adaptant à chaque corpulence fait rêver la grande firme CCC (Canadian Clothing Clothiers) tout en reniant le cauchemar de jeunes esclaves modernes en Inde. La jeune Libby va connaître les faux-semblants lors d’une première nuit mouvementée dans ce monde de la vente au détail tant idéalisé. 

Tranchant, également, au regard de ce film, et qui soulève une question, est-ce que la vérité passe-t-elle mieux sous forme de satire ? 

Oui, carrément ! Elza Kephart ne prend pas des pincettes pour dénoter une réalité amère dans la société de consommation, dans « l’exploitation de l’homme par l’homme », dans les dérives et la compétition dans ces magasins de vente, sans oublier la glorification de l’image du patron.

Slaxx est étonnant, notamment dans sa volonté d’utiliser des effets spéciaux mécaniques à l’image de 2001, Odyssée de l’espaceAlien, etc.

Tranchant dans le casting où l’on retrouve Romane Denis (Charlotte a du funLes salopes ou le sucre naturel de la peau, etc.) qui joue la naïve Libby. Le fourbe Craig, interprété par Brett Donahue (Bad BloodRadiusSleeper, etc.)

On n’oubliera pas Stephen Bogaert (ItIt: Chapter 2X-men ApocalypseAmerican Psycho, etc.) dans le rôle de Harold Landgrove, patron « rassembleur », « humaniste ». 

Les véritables monstres sont peut-être plus proches qu’on le pense.

Entrée Libre a pu parler avec la réalisatrice Elza Kephart lors d’une entrevue téléphonique :

Souley Keïta: Slaxx, c’est un slasher avec de nombreux moments drôles, mais avant tout une comédie satirique avec une prise de conscience marquée, dès le départ, par un silence pesant. Un silence qui commence en Inde avec l’esclavage moderne de ces enfants pour le bonheur vestimentaire des pays occidentaux. Est-ce qu’il y a une volonté de mettre la lumière sur ces gens qui n’ont pas de parole? 

Elza Kephart: Dès que le film commence, il y a une volonté de mettre en place une sorte d’inquiétude, une tension avec cette jeune fille. J’ai notamment fait de nombreuses recherches en amont par rapport à l’écriture de cette dernière version de Slaxx et à chaque moment où je voyais des photos de ces jeunes filles qui triaient le coton, je pense qu’il est absolument correct de parler d’esclavage moderne. J’étais vraiment mal à l’aise de voir ces yeux pénétrants et dans mon interprétation, me renvoyaient une accusation donc je voulais transmettre ce sentiment que j’ai eu lorsque j’ai vu ces photos et certaines vidéos. Je voulais mettre les gens dans cet inconfort. 

Souley Keïta: Outre le fait de critiquer le monde de la mode, est-ce que l’on peut voir une critique générale plus acerbe de la société de consommation et de ces « puissants » notamment Harold Landsgrove qui rappelle étrangement Steve Jobs, Bill Gates et consorts?

Elza Kephart: Absolument! À 100%! Je suis tellement contente de voir que cela marque, car c’est de cela que je voulais parler et le mettre en lumière. Pour moi, l’industrie de la mode est comme la symbolique de la société de surconsommation parce que nous n’avons pas besoin de tant de vêtements ni de tant d’affaires. À mes yeux, ce monde représente l’apogée de la décadence, de la surconsommation. Je voulais absolument que les gens le voient comme un exemple. Le design du magasin représente, quant à lui, la marque à la pomme et Landsgrove est à l’image de ces « grands hommes » qui se moquent des gens, de la biosphère, des changements climatiques et du monde en général, seul compte la vente de leurs produits.

Souley Keïta: Dans l’esthétisme et le langage cinématographique on ressent quelques clins d’œil à Neon Demon de Nicolas Winding Refn et, avant lui, au Suspiria de Dario Argento sans oublier une musique qui nous ramène à ce type de cinéma. Comment ces types de cinéma influencent-ils l’univers de Slaxx?

Elza Kephart: Je dirai que ce n’était pas des clins d’œil voulus. J’adore Dario Argento! Depuis que je suis très jeune, je regarde ses films. J’adore l’esthétique italienne en général, mais Dario Argento pour les films d’horreur, c’est le top. Concernant Neon Demon, c’est une référence très forte que j’ai donnée au directeur de la photographie Steve Asselin. Je lui ai montré certaines scènes de référence, mais pour Suspiria, je n’en ai pas parlé à Steve, mais je lui ai dit que je voulais que les personnages soient pris dans un prisme de couleur. Chaque salle avait sa couleur et le magasin était le prisme blanc avec l’intégration de toutes les couleurs. Tous les vêtements dans le magasin reflétaient ce prisme, nous voulions donner ce sentiment d’être pris dans cet effet mélangeant lorsque le prisme bouge. 

Concernant la musique, je n’ai pas donné la référence de Dario Argento à la compositrice, mais je lui en ai donné d’autres références du cinéma des années 70.   

Souley Keïta: Slaxx, c’est un film d’horreur à l’humour corrosif avec différentes critiques notamment la fausse diversité dans ces entreprises dans un but de faire resplendir leur image, mais également les préjugés ethniques, peux-tu nous en parler?

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Elza Kephart: C’est pour l’image de l’entreprise, car ils savent qu’à ce moment présent dans la société c’est bon d’avoir de la diversité. Ils s’approprient cette diversité et malheureusement c’est uniquement en surface. J’ai vraiment « casté » le personnage de Hunter spécifiquement pour son « look », car au regard de certaines entreprises, il y a des femmes de descendances africaines claires de peau comme si dans ce que l’on renvoie c’est oui pour la descendance africaine, mais pas trop. 

Concernant le personnage de Shruti, j’ai beaucoup vu à travers le regard de mon amie indienne, les mêmes préjugés. Je voulais mettre en lumière son expérience de vie.

Retrouvez sans plus tarder la très bonne comédie satirique Slaxx, à La Maison du Cinéma, dès ce vendredi 11 septembre 2020.

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