Démocratie représentative… De qui ?

Date : 5 octobre 2022
| Chroniqueur.es : Cassandra Boyer
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Tout le monde parle de la réforme du mode de scrutin depuis quelques temps, c’est pourquoi je m’étais dit que je ne toucherais pas au sujet. Mais… Après les élections du 3 octobre, comment faire autrement ?

Hier, c’était le moment de faire entendre notre voix.  Vous savez, cette journée aux quatres ans où on nous consulte et nous permet de nous prononcer.   

Ce privilège nous est offert par la démocratie. Du mot grec dêmokratia, formé de dêmos,  « peuple », et de kratos, « pouvoir». Ici, le pouvoir appartient au peuple, on est tu pas chanceux nous autres là là !

Non.

À lire les propos de plusieurs de mes concitoyenNEs, force est de constater qu’iels ne comprennent pas toustes le fonctionnement de notre démocratie. 

C’est avec plaisir que je me charge de vous l’expliquer.

Au Québec, comme dans la quasi-totalité des démocraties, c’est avec un système de démocratie indirecte ou communément appelée représentative que nous fonctionnons. En gros, ce que ça veut dire, c’est que la majorité de la population n’est généralement pas représentée. On nous vante toute notre vie notre système démocratique, on nous fait miroiter l’idée que nous avons un réel pouvoir décisionnel. La réalité en est tout autre. La réalité, c’est qu’un gouvernement comme la CAQ a été élu majoritaire avec 41% de d’appui de la population. Bien sûr, c’est immense !N’empêche que ce n’est pas 41% des sièges de l’Assemblée qui sont occupés par la CAQ, mais 71% des sièges qui le sont! Et ça, c’est problématique.

Le graphique ci-dessous provient d’un article La Presse paru le 04 octobre 2022.

Oui… mais non. Lorsqu’un gouvernement est élu “majoritaire” tel que celui de la CAQ, il peut se permettre d’adopter une loi sous bâillons, et ce, même s’il n’a pas obtenu l’appui de la majorité des Québecois.es. Par exemple, si demain matin François faisait adopter une loi sous bâillon, il le ferait sachant que, non seulement, n’a-t-il pas obtenu l’appui de 59% des personnes s’étant prononcé le 03 octobre, mais c’est sans compter les 33.95% des électrices et électeurs inscritEs sur la liste électorale ne s’étant pas prononcéEs. Et, ça va être comme ça pour les quatre prochaines années!

S’il s’agit de démocratie indirecte, n’existe-t-il pas une démocratie directe ? 

Oui et elle représente vraiment le pouvoir au peuple. Toustes sont invitéEs à se prononcer lors de la prise de décision ou au moment de déléguer à une personne ou à un groupe de personnes choisie(s) la charge décisionnelle. 

Il est important de noter que, dans une population de millions d’habitantEs, un syst`ème de démocratie directe est quasiment impossible. C’est là que l’importance du mode de scrutin entre en jeu.

Actuellement, le Québec et le Canada utilisent un mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour. Ce mode de scrutin a été pensé dans le but d’éviter que des extrémistes se prononcent, ce qui en soi, n’est pas mauvais. Mais, aujourd’hui, nous sommes ailleurs.

« Il est vrai que notre système électoral nous a rendu de bons services, qu’il nous a permis de
nous rendre jusqu’ici dans un climat de paix démocratique enviable. Or, nous constatons tous
malgré cela que l’époque du bipartisme est révolue. […] À l’échelle fédérale et provinciale, nous sommes forcés de revoir notre système électoral à la lumière d’une réalité inédite jusqu’à tout récemment.»
[1]

Cette citation nous provient d’un Mémoire présenté au Comité spécial sur la réforme électorale [fédéral] écrit par Benoit Charette, en 2016 «au nom de la Coalition Avenir Québec».

Depuis le début de la démocratie, les hommes et, plus récemment (mais surtout, bien plus rarement), des femmes se succèdent au pouvoir. Des femmes et des hommes toujours à l’image de leurs prédécesseurEs, issuEs de la classe aisée. Personne ne fait rien parce que la démocratie représentative a été pensée pour s’assurer de réduire l’opinion « publique » à un discours occidentalo-centriste. À force d’entendre les mêmes discours, à nous faire répéter que c’est ce que la population veut, on finit par croire que c’est ce que l’on veut nous aussi. Noam Chomsky appel ça : la fabrique du consentement (1988). Inévitablement, celleux qui voudraient que les choses changent sont réduitEs au silence. Au final, iels en viennent à croire que leur voix n’est pas entendue et à ne plus croire en cette démocratie. C’est pourquoi iels n’y participent plus. Nous vivons dans un climat où l’épistémicide est accepté, voire encouragé. Dans ces circonstances comment ne pas adopter une attitude défaitiste ? 

Le mode de scrutin uninominal à un tour induit des distorsions qui leur permettent néanmoins de gouverner comme s’ils [les gouvernements élus qui n’a qu’une minorité des votes] avaient l’appui de la majorité. C’est une illusion. […] Il s’agit à notre avis d’une des principales sources du cynisme pour de nombreux citoyens, qui ont l’impression que leur vote ne sert à rien et qu’ils sont impuissants politiquement. » (Charette, 2016)

Le mémoire caquiste va même jusqu’à dire qu’il y a « un fort consensus au Québec pour une réforme du mode de scrutin ». Semblerait-il que, depuis, les QuébécoisES se sont abroutiEs sauf quelques intellectuelLEs.

C’est drôle, depuis lundi, on dirait que le nombre d’intellectuelLEs au Québec est en explosion !

  1. Charette, B. (2016, octobre). Oser la démocratie : Mémoire présenté au Comité spécial sur la réforme électorale. Nos Communes. Consulté le 4 octobre 2022, à l’adresse https://www.ourcommons.ca/content/Committee/421/ERRE/Brief/BR8554721/br-external/CoalitionAvenirQu%C3%A9bec-f.pdf

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