L’Armée du Salut déménage … peut-être

Date : 1 janvier 2024
| Chroniqueur.es : Denis Pellerin
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L’Armée du Salut, après quelques années de négociation, a vendu son immeuble de la rue Wellington Sud au Groupe Custeau. Elle doit donc, dans les prochains mois, quitter l’immeuble qu’elle occupe depuis 27 ans.

Le hic, c’est que l’Armée du Salut a été imprudente en vendant son immeuble sans s’assurer d’avoir en main un local qui convienne AVANT la prise de possession par le promoteur : la vente aurait dû être conditionnelle à l’obtention du changement de zonage sur le nouveau site à l’intersection de rue King Est et de la 11e Avenue Sud dans l’arrondissement de Fleurimont. Comme l’achat de cet immeuble d’ailleurs. La Ville n’a pas à assumer cette erreur à leur place. Tout au plus, la Ville aurait dû guider l’Armée du Salut dans ses démarches dès qu’elle a constaté qu’il y avait là un problème de taille c’est-à-dire dès qu’un dossier d’analyse du Comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement de Fleurimont s’est montré défavorable en février 2023. Où était Entreprendre Sherbrooke dans tout ça ?

Ceci dit, on n’a pas à prouver l’utilité voire la nécessité de l’Armée du Salut, tout le monde en convient. On peut cependant questionner le fait qu’elle tienne mordicus à l’aspect religieux de leur organisation avec la présence d’une chapelle : ça prête flanc à la critique de l’opposition (à tort ou à raison). Est-ce par prosélytisme (pour recruter des adeptes parmi une clientèle vulnérable) ou pour obtenir un important crédit de taxes ? La question se pose. On se rappellera à cet effet que les organismes communautaires qui tiennent absolument à leur lien avec une religion (comme les Chevaliers de Colomb par exemple) ne sont plus reconnus par la Ville comme c’était le cas auparavant. Laïcité oblige. Là encore, la Ville n’a pas à avaliser un quelconque choix religieux en matière de charité : on peut très bien faire la charité et donner des services communautaires sans y rattacher une religion. (Sur le site de l’Armée du Salut de Sherbrooke, le premier point est « L’Église communautaire de Sherbrooke offre des ressources et des services spirituels personnalisés. Cette église communautaire vise à combler les besoins spirituels des membres de leur congrégation et de la collectivité, ainsi qu’à transmettre le message de Jésus-Christ. ». Édifiant !)

Je questionne aussi le choix de l’organisme de déménager à l’extrême Est de la population qu’elle veut aider, à près de deux kilomètres du centre-ville et loin de communautés (plus défavorisées que celles de Fleurimont, notais-je !) comme celles d’Immaculée-Conception, des Grands-Monts ou de Sainte-Jeanne-d’Arc dans le secteur du Mont-Bellevue. On peut présumer que la pression a été forte de la part du Groupe Custeau pour faire accepter l’emplacement de la rue King Est puisque l’immeuble appartenait à une de ses nombreuses filiales : Custeau Division Immobilière (CDI) inc.

On ne doit pas se réjouir que ce projet soit dans un cul-de-sac depuis son rejet par le Conseil municipal le 5 décembre dernier à sept voix contre six (la mairesse étant absente et un membre ayant quitté son siège lors de l’appel du vote) : c’est toute une communauté vulnérable qui risque d’en souffrir et de nombreux organismes et bénévoles aussi devront écoper s’il y avait rupture de service de cet organisme. 

Et ce n’est certainement pas une « victoire » de l’opposition. Le seul qui gagne à ce jeu, c’est le Groupe Custeau qui étend encore un peu plus les tentacules de sa gentrification de Terrill à Aberdeen. Comme le dit l’expression anglaise : « He is laughing all the way to the bank » !

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