Urgence climatique: t’as signé, tu t’y mets

Date : 26 septembre 2019
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier

Sur l’enjeu climatique et écologique, l’heure n’est plus aux prises de conscience et aux petits gestes individuels, mais à l’action d’ampleur sur l’intégralité de l’organisation de notre société. Ce texte s’adresse aux membres du conseil municipal de la ville de Sherbrooke. En novembre 2018 vous avez adopté la «Déclaration citoyenne universelle d’urgence climatique» où vous reconnaissez que «des changements rapides et sans précédent dans les domaines de l’aménagement du territoire, […] du bâtiment, du transport et de l’urbanisme sont nécessaires à court terme afin de limiter à 1,5°C le réchauffement planétaire». Par cette signature, vous vous engagez moralement en tant qu’élu.e à «atteindre la cible de 30% [de réduction de GES] d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2009 dans les activités municipales et dans la collectivité». Ça c’est pour la liste de vœux pieux qui n’engagent que ceux qui y croient, et les doutes apparaissent dès que l’on lit les actions prévues pour réaliser ces objectifs.

Votre déclinaison concrète de la signature de la déclaration d’urgence climatique est de finaliser un «plan d’adaptation aux changements climatiques» qui comporte presque une centaine de mesures comme «mettre en place un plan directeur des réseaux d’égouts», «cartographier les îlots de chaleur et lieux de rafraîchissement» et «utiliser la ligne téléphonique Info-citoyen pour diffuser l’information en cas d’urgence» (La Tribune). Les égouts et une ligne téléphonique? Really?! Vous en êtes donc à ce stade de réflexion et de propositions concrètes alors que des données alarmantes sont publiées par des centaines de scientifiques (voir les rapports du GIEC) chaque année depuis presque 30 ans maintenant? C’est un lieu commun de citer Sitting Bull pour les enjeux dont nous parlons, mais vos propositions sont elles-mêmes des caricatures de l’inaction politique en termes d’environnement. Allons-y donc de la déclaration du chef sioux qui date de presque 200 ans: «Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson, alors ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas». Elle réside là l’angoisse de tous les citoyens et citoyennes qui manifestent pour que vous utilisiez votre pouvoir d’élu.e pour nous sortir de cette ornière. Parce que le jour où la moitié de Sherbrooke sera sous vos fenêtres pour vous réclamer de produire de la nourriture sur des terres agricoles transformées en centres commerciaux vous aurez quoi à leur offrir? Des égouts tout neufs? Une ligne téléphonique pour faire patienter la faim? Ce jour-là, même tout le cash de la planète ne pourra pas produire un gramme de nourriture sur une terre stérilisée par le béton. Et on ressortira les photos officielles où vous êtes tout sourire avec votre pelle et votre casque de chantier pour poser la première pierre du cimetière.

Si vous êtes à court d’idées, on vous en propose une gratis, locale et bien concrète qui vient du documentaire «Chercher le courant» de Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere. Il est possible aujourd’hui de construire des bâtiments énergétiquement efficaces qui consomment en chauffage trois fois moins qu’une maison classique. Le surcout d’une telle construction est estimé à 5%. Par le «Règlement de construction» vous avez le pouvoir d’imposer des normes de construction à tous les promoteurs immobiliers sur le territoire de Sherbrooke. Utiliser votre pouvoir pour réduire par trois la quantité d’énergie utilisée par une famille pour se chauffer, voilà une action concrète pour atteindre vos engagements. Pour permettre d’absorber le surcout, vous pouvez voter une exemption de taxes municipales pour un certain temps. Quand il s’agit d’un projet industriel ou hôtelier vous êtes habituellement généreux sur ce point, pourquoi pas celui-ci?

C’est vous qui décidez de ce qui se fait ou de ce qui ne se fait pas à Sherbrooke. Vous décidez du zonage de la ville, vous décidez de comment les bâtiments doivent être construits, vous décidez de la fréquence et du nombre des autobus. Utilisez votre pouvoir d’administration de la ville pour respecter vos engagements moraux et les attentes d’un nombre toujours plus grand de citoyens et citoyennes.

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