Pour qui habite le quartier, l’odeur de la rôtisserie Au Roi du Coq Rôti est devenue coutumière. Mais, ce samedi 19 juillet, quelque chose d’anormal flottait dans l’air. Les employés·es arrivés sur les lieux l’ont appris à leurs dépens : durant la nuit, les propriétaires, les frères Réjean et Alain Perreault, ont changé les serrures et placardé une affiche annonçant un lock-out. Plus qu’une douche froide pour la cinquantaine d’entre eux qui en étaient à négocier le maintien des horaires de travail dans leur convention collective. Malgré quelques pourparlers depuis, la partie patronale n’a manifesté aucune ouverture sur ce point, et le syndicat tient bon.
Une situation tendue
Avec cette manière d’agir des propriétaires, il n’en fallait pas davantage pour que le personnel employé craigne le pire : la fermeture pure et simple de l’entreprise. Les propriétaires ont finalement donné signe de vie quelques jours plus tard, en contactant le conciliateur affecté à ce dossier afin de lui demander de convoquer les parties en cause. Depuis, trois rencontres ont eu lieu, mais sans succès. La situation, des plus tendues ces derniers mois, n’a pas aidé à la mise en place d’un dialogue. Les employés·es sont également fâchés que les propriétaires n’aient laissé aucun message sur le répondeur téléphonique pour expliquer à la clientèle la situation conflictuelle et la raison du lock-out.
Les horaires de travail
Le principal désaccord entre l’employeur et le personnel porte sur les horaires de travail que ce dernier voudrait voir inscrits dans la convention collective. Les propriétaires ne veulent pas en entendre parler. Les employés-es craignent une diminution de leurs heures de travail, ce qui entraînerait directement une baisse de service à la clientèle. « Pour nous, il est incontournable d’obtenir l’inscription des horaires de travail dans la convention collective comme cela se fait jusqu’à maintenant. On comprend que l’employeur craint une détérioration du marché, mais il doit aussi comprendre que nous sommes assez intelligents pour faire preuve d’ouverture, le cas échéant. Mais pour nous, il est important que ces horaires soient conventionnés », a déclaré Serge Lemay, président du syndicat. (La Tribune, 28 juillet 2008)
Mince, quel salaire !
Dans cette lutte difficile, les employés·es ne veulent pas être les dindons de la farce. Leurs demandes portent également sur une augmentation salariale de 4 %, donc, l’enjeu pour mettre les horaires de travail dans leur convention demeure crucial pour eux. Lors de la rencontre du 14 août, la partie patronale s’est amenée avec un nouvel horaire pour les rôtisseurs, où étaient retranchées trois heures de travail par semaine. Comme ces derniers sont les chefs d’équipe, leur horaire avait toujours été respecté ces trente dernières années. Les rôtisseurs sont les mieux rémunérés, avec une moyenne de 13,25 $ de l’heure. Le syndicat a refusé cette proposition. Depuis, aucune rencontre n’est en vue.
Au moment du lock-out, Au Roi du Coq Rôti employait 49 personnes. Outre les quatre rôtisseurs, les autres employés gagnaient en moyenne 8,50 $ de l’heure. La crainte de voir leur mince augmentation salariale annulée par une baisse des heures travaillées est omniprésente. À leurs yeux, ça n’a aucun sens d’accorder aux employeurs la liberté de jouer ainsi dans les horaires de travail pour tenter de récupérer les augmentations salariales. Depuis sa création en janvier 2000, le Syndicat des travailleuses-travailleurs Au Roi du Coq Rôti – CSN n’a pas eu la tâche facile. À l’hiver 2001, lors de l’adoption de leur première convention collective, les membres étaient retournés au travail après 55 jours de grève. Dans le temps, on parlait de 6,90 $ de l’heure pour plusieurs employés. Avec le coût de la vie actuel, la situation demeure tout autant difficile pour nombre d’entre eux, malgré des profits toujours palpables et un rythme de 800 000 repas de poulet servis annuellement.
Une institution qui perd des plumes
Après 43 ans d’existence, le Roi du Coq Rôti fait figure d’institution au centre-ville. Tout le personnel salarié, sans exception, a contribué à cette réussite financière. Cet été, il semble déterminé à mener la lutte jusqu’au bout, même si la partie est loin d’être gagnée. La réussite financière, c’est bien beau, pensent ces employés, mais il faut aussi améliorer les lieux de travail et, surtout, créer et maintenir un bon climat de travail. Qu’en aura-t-il été pour les quelques-uns d’entre eux qui ont plus de 30 ans de service au Roi du Coq Rôti? Cette mise en lock-out de juillet 2008, précédée d’une longue capitalisation des avoirs sans amélioration apparente des conditions de travail, fait en sorte que ces femmes et ces hommes trouvent la situation indigeste. Ils espèrent que le « Roi » retrouve ses esprits, qu’il redevienne parlable et qu’il regagne la basse-cour dans le respect de chacun et de chacune… et aussi de sa clientèle.
Au moment d’aller sous presse, le 20 août 2008, aucune entente n’était intervenue entre les parties patronale et syndicale.